Pro-nature aux antipodes

August 31st, 2013

Bienvenue au bout du monde ! Bon d’accord, on vous a déjà servi cette intro plusieurs fois, à Ushuaïa, au milieu du Pacifique, etc… Mais cette fois, en franchissant le détroit de Cook et en mettant les pieds sur l’île du Sud, nous sommes officiellement au point le plus éloigné de la France. Il ne reste maintenant plus qu’à rentrer. Après nous être dit les yeux dans les yeux « Chéri(e), je t’emmènerai au bout du monde », notre nouvelle promesse d’amour, c’est « Chéri(e), je te ramènerai à la maison ».

3h de ferry séparent les deux îles. Nous avons eu du bol, la mer était calme. Le détroit peut parfois être pénible à traverser. Ce dernier met beaucoup de distance entre les deux sœurs néo-zélandaises. Les habitants d’une des deux îles visitent rarement l’autre. Il faut dire qu’un billet de ferry pour les passagers le véhicule leur revient souvent plus cher qu’un billet d’avion pour l’Australie ou la Polynésie. On se considère donc bien chanceux de pouvoir découvrir les deux facettes de ce pays.

Il suffit de conduire quelques dizaines de kilomètres sur l’île du Sud pour remarquer la nette différence avec celle du Nord. Bien que plus vaste, elle compte trois fois moins de population. En toutes parts, la nature a gardé ses droits. La diversité de paysages que nous rencontrons n’a d’égal que leur beauté. Nous ne pensions pas trouver ici une telle richesse de panoramas. Une petite heure de conduite, et hop ! On change radicalement d’environnement. Notre maison roulante est idéale pour visiter le pays, on peut flâner autant qu’on veut et s’arrêter tous les 3km si on le souhaite, pour profiter de la vue.

Notre première halte sur la côte Est, côté Pacifique, se fait à Kaikoura. Cette petite ville entourée de montagnes jouit d’une situation exceptionnelle. A proximité immédiate de la fosse sous-marine la plus vaste de l’hémisphère sud, elle abrite un écosystème très riche et une faune abondante. C’est aussi le seul endroit au monde où l’on peut apercevoir des cachalots 365 jours par an. Ces gros mammifères y ont établi leur résidence permanente, faisant de la fosse leur garde-manger privé. C’est l’attraction du coin et les agences proposent toutes sortes d’excursions pour aller les admirer, en bateau, en hélicoptère, en hydravion, à la nage… La garantie de croiser les cétacés est telle que les agences assurent le remboursement de la prestation si la sortie fait chou blanc. Nous choisissons de tenter l’aventure sur l’eau, et embarquons pour une chasse à la baleine des temps modernes. Le navire est équipé d’un micro sous-marin pour capter les chants des cachalots et savoir vers quel cap se diriger. On patiente, on patiente et soudain, le poisson est ferré. Nous filons à toute vitesse, jouant au trampoline sur les vagues, jusqu’à atteindre l’endroit détecté par le radar. Mais une fois sur place, nous avons à peine le temps de voir la queue du cachalot, signe qu’il est reparti pour une plongée. Il peut alors rester près de 2h sous l’eau. Quand il remonte à la surface pour respirer, il n'y reste que quelques minutes, avant de redescendre vers le fond. Il s’agit de ne pas le rater ! On recommence l’opération Moby Dick high-tech, avec le micro sous l’eau, et en avant pour un nouveau cap. Nous avons plus de chance cette fois-ci, et avons le privilège de voir à une dizaine de mètres à peine, le cachalot, ou du moins ce qui dépasse à la surface. Nous le regardons respirer paisiblement, comme si nous n’étions pas là, expulsant des grandes nuées d’embruns à chaque expiration. Puis, nous voyons tout son corps se dérouler à la surface, avant d’apercevoir la queue plonger. Nous n’avons pas droit à de grands sauts hors de l’eau, car monsieur réserve ces prouesses d’agilité à sa parade nuptiale. Non que l’on ne soit pas à son goût, mais ce n’est tout simplement pas la saison. Le spectacle est tout de même très émouvant, on est comme des gosses, à sautiller, à applaudir. Nous réitérons ce jeu de cache-cache avec d’autres spécimens, avant de revenir sur la terre ferme. Au final, nous aurons eu la chance d’en croiser 4, dont le plus grand approchait les 20m.

En nous baladant le long de la péninsule de Kaikoura, nous croisons de très nombreuses colonies d’otaries à fourrure. Agiles et légères dans l’eau, elles ont plus de mal à se déplacer sur terre. Mais cela ne les empêche pas d’aller se hisser loin du rivage, pour faire bronzette sur l’herbe ou sur les pierres chauffées par le soleil. Nous en rencontrons même sur le parking, à quelques pas des véhicules. Certaines nous laissent approcher assez près, ouvrant un œil, levant un peu la tête, avant de retourner dans leur sommeil. D’autres s’enfuient de leur course pataude dès qu’on pénètre leur périmètre.

Au loin, les montagnes nous défient. Nous passons sur la côte Ouest, côté Mer de Tasmanie, en les franchissant. On se marre en voyant le panneau directionnel : faire 20 000 km pour découvrir les Southern Alps (= les Alpes du Sud), c’est le comble. C’est pourtant le nom de la chaine de montagne qui parcoure toute l’île. Nous faisons étape pour la nuit à Arthur’s Pass, le col qui permet de rejoindre la côte Ouest. Perdus au milieu de nulle part, sur une petite aire de camping en pleine forêt, nous fêtons les 34 bougies de Roro. Je peux enfin alléger mon sac à dos et sortir la bouteille de champagne et le foie gras, envoyés de France à Tahiti par une complice, que je planquais depuis pour l’occasion.

Dehors, deux yeux nous épient. Il s’agit d’un opossum, petit marsupial nocturne, qui vient nous rendre visite. Cette pauvre bête est traquée par les néo-zélandais, à tel point que si nous songions à en faire un pâté pour accompagner notre repas festif, nous serions encouragés dans notre démarche. L’opossum est arrivé d’Australie avec ses petites papattes, mais ici, il n’a aucun prédateur. Il se reproduit vitesse grand V et a été déclaré bestiola non grata, dans l’écosystème surprotégé du pays. Sa chasse est tolérée, sans limite imposée. On en ferait bien des moufles, mais pour cette fois, on se contentera de le regarder farfouiller dans la poubelle et de trinquer avec lui, à travers la fenêtre.

Le lendemain, petite balade dans les montagnes avant de reprendre la route pour la West Cost. Sur le chemin, nous croisons des keas, de gros perroquets verts très amusants car très curieux.  Nous les retrouverons tout au long de nos étapes sur l’île du Sud.

Arrivés sur la côte, nous nous dirigeons tout d’abord vers la ville de Punakaiki et ses célèbres « Pancakes Rocks ». Ces curieux rochers, martelés par les vents et les vagues, composent des couches, évoquant une montagne de pancakes. Un casse-tête pour les scientifiques, qui ne s’expliquent pas cette étrange formation. C’est à Punakaiki également que nous rencontrons la forêt tropicale, qui recouvre toute la moitié nord-ouest de l’île. Le palmier-fougère au nom latin compliqué, symbole du pays, règne en maître sur les lieux. D’autres grands arbres, des mangroves, des lianes convolutées et une infinité de petites pousses vertes composent cet épais et humide bocage. De chouettes promenades sont aménagées et invitent à ne pas trop sortir des sentiers battus, pour laisser la nature en paix.

En parcourant 200km vers le Sud, nous observons la rencontre entre cette forêt tropicale et un glacier. Seuls trois lieux sur Terre permettent cette étonnante réunion, et nous avons la chance d’en avoir un sous les yeux. Le spectacle est magique, la grande langue de glace se jette des sommets où elle prend vie, jusque dans la vallée colonisée par la forêt. Nous chaussons nos crampons pour partir à sa conquête, en compagnie d’un guide qui nous raconte tous les secrets du glacier et de la vallée. Bien malheureusement, le temps et la hausse des températures ont peu à peu raison du monstre glacé. On perçoit à l’œil nu le niveau où il prenait encore ses droits il y a 5 ans, avant de reculer peu à peu. 200m ont fondu depuis. Notre guide nous emmène explorer des crevasses et des grottes formées dans l’épaisse couche de glace. Malgré le temps maussade auquel nous avons droit, les cavernes sont teintées d’un bleu profond. Quelques keas curieux viennent voir ce qu’on fabrique sur le glacier, et si on ne sème pas quelques miettes de notre casse-croute. On passe la journée entière à jouer les aventuriers.

Plus on continue vers le Sud, plus les températures se font basses, surtout la nuit. Quelle idée de partir en hiver, aussi… Notre petit camion est bien isolé mais les 2 couettes fournies par le loueur sont aussi utiles qu’appréciées. Le soleil se couche tôt et il fait nuit noire à 17h30. Pour occuper nos longues soirées hivernales du mois Juillet, nous perfectionnons notre lancer de dés au 421 ou nous entretenons notre addiction à Game of Thrones, sur le lecteur DVD/USB dont est équipée notre van (grand luxe, on vous l’avait dit !). Quelquefois, on s’arme de courage (et de couches de polaires), pour aller admirer les étoiles. La voute céleste, outre le fait d’être particulièrement dégagée, est bien plus fournie en astres que dans l’hémisphère Nord. On distingue parfaitement la voie lactée. Niveau constellations, c’est un peu l’arnaque : pas de Grande Ourse, ni de Petite… On ne peut même pas briller avec nos connaissances astronomiques ! On reconnait juste la Croix du Sud, qu’on a appris à situer depuis ces quelques mois.

Nous quittons la côte pour nous enfoncer à nouveau vers le centre de l’île et passer quelques jours à Wanaka, temple néo-zélandais de la rando. On sait, on avait dit qu’une fois l’Amérique du Sud derrière nous, on ne randonnerait plus jamais, mais chassez le naturel… De plus, les panoramas du pays sont tellement splendides qu’on ne s’en veut même pas de trahir notre oisive promesse.

Et nous terminons notre boucle de l’île du Sud par Christchurch, où nous rencontrons enfin notre indic mystère, Mike, qui nous accueille comme des rois chez lui, pour nos derniers jours en Nouvelle-Zélande. Nous faisons la connaissance de son adorable femme, Karen, une vraie cordon-bleu, qui, chaque soir, nous prépare un festin à base de gastronomie du bout du monde : agneau néo-zélandais, saumon néo-zélandais, gratin de patates douces néo-zélandaises… Après une bonne nuit dans leur chambre d’amis, sous leur couette moelleuse en plumes d’oies néo-zélandaises, on se dit qu’on repousserait bien notre vol suivant et qu’on les squatterait volontiers un peu plus longtemps.

Le samedi, ils prennent le temps de nous emmener à la découverte leur ville, où du moins de ce qu’il en reste. Christchurch fut en très grande partie détruite lors d’un fort tremblement de terre en 2011. Aujourd’hui, la ville n’est toujours pas reconstruite. D’ailleurs, 2 jours avant, lors de notre arrivée ici, nous avons dû relire notre carte plusieurs fois pour comprendre que nous étions bien au centre-ville, et non au milieu d’une zone industrielle.

Nous passons devant l’ancienne cathédrale, partiellement effondrée, en attente d’être démolie. Il y a 15 jours, une nouvelle cathédrale temporaire a vu le jour. Nous la visitons, elle est remplie de fidèles. Nos hôtes nous expliquent que ceux-ci ont attendu plus d’un an la construction d’un nouveau lieu de culte où se rassembler, et que depuis sa récente ouverture, la cathédrale fait le plein en permanence.

Ils nous emmènent ensuite visiter un étrange quartier appelé « Container Mall », le centre commercial des containers. Ces gigantesques boites en métal abritent des magasins, quelques restos et cafés, une bibliothèque. Karen nous raconte avec émotion qu’elle était très heureuse de l’ouverture de ce centre, qui permettait, après les destructions massives du tremblement de terre, de constituer de nouveaux lieux de rencontres, de sorties et de divertissements. Et même si ces containers ne cadrent pas magnifiquement avec le paysage, les Christchurchiens ont appris à les apprécier. La ville s’en est servie pour tout : consolider des bâtiments ou des pans de collines menaçant de s’effondrer, stocker les gravas sur le bord des routes avant de les évacuer, entreposer les meubles des habitants qui attendent parfois encore d’être relogés ou que leur maison soit réhabilitée… La majorité de ces containers sont peints, tagués, aux couleurs vives. Les habitants souhaitent afficher aux yeux de tous qu’ils ne se laissent pas abattre. Ils ont été très peu nombreux à quitter la ville ou à s’établir ailleurs après l’événement, pris par un grand élan de solidarité. Et même si les traces du tremblement de terre sont encore partout, la vie a repris son cours. Nos hôtes nous en parlent comme quelque chose de définitivement derrière eux.

Notre périple néo-zélandais se termine. Quel plaisir que ce pays… Nous avons été enchantés par ce que nous y avons trouvé, c’est un paradis sur terre pour les amoureux de nature et de grands espaces. C’est d’autant plus dur de le quitter que nous avons passé un excellent moment en compagnie de nos hôtes à Christchurch. Mais le voyage continue et l’avion n’attend pas. Nous rendons notre petit camion et décollons à présent pour de nouvelles aventures au pays des kangourous !

A bientôt pour la suite.

Les photos se trouvent dans l’album "Nouvelle Zélande", aux rubriques "Kaikoura", "Greymouth" (pour les photos de Punakaiki), "Fox Glacier", "Wanaka" et "Christchurch".


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6 réponses

  1. Solut les glob-trottos !

    Moi che dit : la ligne pleue des Fosges c'est commêmme plus beau que les Blues Mountains.
    Et puis votre cigogne d'Alsace elle est commêêêmmme mieux que tous ces zoiseaux ecqzotiks
    Non franchement, vous defriez revenir car on z'ennuie de fous (bon Roro, juste, il faudra bien te razer et te peigner quand tu seras là, avec une petite raie au milieu, ça t'ira pien) Toi Chenny tu restes avec ton beau sourire..

    Che pense à fous mes 2 tout fous et vous fais mille Pizzzous et che fous aime
  2. Bravo pour ce récit si agréable à lire et chapeau pour ces photos magnifiques, splendides et rigolotes !
  3. bonjour.

    Un petit coucou de France.
    Je ne suis que très épisodiquement ce blog mais cela permet d avoir des nouvelles d un seul coup et cela donne surtout envie de partir.
    Bisous et bon voyage a vous
  4. Coucou Jenny,

    les hasards de la vie. Figures toi que cette semaine, j'ai parlé de toi plein de fois (preuve que tu commences à sérieusement me manquer !!). J'ai deux copines qui partent pour 6 mois en sacs à dos, j'ai eu beau leur dire qu'elles étaient folles : elles m'ont répondu "et ta copine Jenny ?" = "ben oui je confirme elle est un peu folle"...

    Tu es de plus en belle, preuve que tu es heureuse et comme nous avons (j'ai) toujours besoin d'être rassurée, ça fait très plaisir !
    Je t’embrasse bien fort ainsi que Roro et attend avec impatience la suite de vos aventures.
  5. Only one word : Juicy (or jucy ????)

    What else

  6. Coucou Jenny !
    Depuis que je suis vos récits, c'est l'une des premières fois où je me surprends à penser que vous êtes... En vacances ! Les étapes précédentes avaient l'air sacrément fatigantes :0P
    De notre côté, c'est derrière nous. J'attends donc vos prochaines aventures pour programmer mes vacances 2014 ;0)
    Bises et le bonjour aux Wombats !

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