En passant par le Mekong

December 2nd, 2013

Quel bonheur, ce trajet en train ! En fait, il suffit simplement de trouver quelque chose de pire pour qu’un moins se transforme en plus. Une belle leçon de vie, ces transports vietnamiens. De plus, pour ce dernier voyage sur rail au pays du dragon, je trouve notre couchette très mignonne. De vieux rideaux, du lambris au mur, un petit bouquet de (fausses) fleurs sur la table… Il y a un je-ne-sais-quoi de désuet plutôt charmant, un petit côté Orient-Express. Bon, je suis peut-être trop romantique car Roro-les-pieds-sur-terre n’est pas de mon avis et la trouve kitsch, poussiéreuse et moche ! Petit point négatif, nous occupons les deux lits du haut, juste en dessous de la clim non réglable et des 16°C qu’elle nous diffuse dans le nez. Glaglagla toute la nuit.

Nous arrivons à Saigon un peu avant 4h du matin, ce qui est horaire un peu bâtard. En effet, ici, pour peu que l’on se pointe dans un hôtel une fois le jour levé, on peut effectuer son check-in et prendre possession de la chambre immédiatement. En revanche, à cette heure-ci, nous sommes bons pour payer une nuit complète et n’en dormir que la moitié. On poireaute donc sur les sièges du hall de gare jusqu’à ce que le soleil se décide à bien vouloir se réveiller.

Saigon est très différente des autres villes du pays, et on le ressent dès la sortie du train. La gare est équipée de wifi et de prises pour recharger son téléphone ou son ordinateur portable, ce qui est inédit. Un « Lotteria », le Mc Do local, a pris la place des petites gargotes éparpillées habituellement autour des quais… On croise rapidement notre premier Pizza Hut et son copain Starbucks, et nous rencontrons dans de nombreuses rues des hôtesses qui distribuent des coupons de réduction ou autres échantillons, en parfaite maitrise du street-marketing. Surprise ultime : les Pays-Bas organisent une opération événementielle de promotion touristique sur une des grandes places de la ville, autour d’un immense village hollandais reconstitué. Je repense en souriant à mon ancien job et aux bons souvenirs sur ce genre d’opération. Et je frissonne de stress pour les organisateurs, en leur souhaitant bien du plaisir de travailler à l’heure vietnamienne : le village doit ouvrir ses portes le lendemain matin et rien n’est prêt ! Bref, tout cet excès de marketing contraste beaucoup avec le Vietnam que nous avons découvert ces précédentes semaines, et surtout, avec les grandes affiches communistes, que l’on trouve ici à chaque coin de rue. L’oncle Hô, à qui le pays a rendu un hommage posthume en renommant la ville, pose partout son regard bienveillant, en photos, dessins ou sculptures.

L’architecture s’avère également très différente. On trouve de magnifiques bâtiments de l’époque coloniale, comme l’hôtel de ville, la poste ou le théâtre national, et plein d’autres belles constructions art-déco. Les deux-roues pétaradants sont bien présents en nombre, en masse et en volume sonore. Mais les rues étant plus larges qu’ailleurs, le vacarme nous parait un chouïa moins étourdissant.

Autre surprise de taille : la ville entière prépare Noël. Les devantures des grands magasins sont toutes habillées de sapins, de boules et de couronnes, les guirlandes lumineuses sont presque toutes en place… C’est très étrange pour nous car, outre le fait que nous soyons franchement déconnectés du calendrier cette année, la température ambiante ne nous met pas du tout dans le bain des fêtes de fin d’année. J’ai un petit pincement au cœur, moi qui aime tellement cette effervescence d’avant Noël. Imaginez que je ne pourrai même pas confectionner mes petits bredalas cette année. Trop dur !

Après de nombreuses hésitations sur le sujet, nous décidons de visiter le musée des vestiges de la guerre du Vietnam. Nous y découvrons toute la créativité dont l’homme est capable dans l’horreur, pour inventer les techniques de tortures les plus cruelles ou mettre au point les armes les plus dévastatrices. Dans les différentes salles, l’ambiance est pesante et les regards embués des visiteurs se croisent peu. Le silence s’impose de lui-même devant les nombreuses photos des visages mutilés par les bombes au phosphore et des corps déformés par le terrible agent Orange. On apprendra que ce pays deux fois plus petit que la France s’est pris sur la tête 7 fois plus de bombes que la quantité totale déversée pendant la seconde guerre mondiale. Sans vouloir donner dans le cliché, je suis d’autant plus choquée par les touristes américains qui se prennent en photo devant les hélicoptères de l’armée ou les B52, avec un grand sourire et les pouces en l’air…

Histoire de retrouver un peu de légèreté après cette visite cauchemardesque, nous nous rendons dans une école hôtelière gérée par une ONG française, qui forme des jeunes défavorisés aux métiers de la bouche. Saigon propose ainsi quelques chouettes initiatives de tourisme écoresponsable, pour dépenser ses dongs en faisant une belle action. Pas de bol en arrivant, le resto semble fermé. Un des professeurs nous explique qu’ils ont tenu une cérémonie la veille et que le jour devait être férié pour les étudiants, mais pas de souci, il va rouvrir pour nous ! Nous sommes un peu gênés mais il insiste. Le restaurant utilisé pour la cérémonie est entièrement vide. Qu’à cela ne tienne, les élèves nous dressent rapidement une table en exclusivité au milieu de la salle. Ils nous servent ensuite les différents plats de notre déjeuner avec beaucoup d’attention et de délicatesse, sans même nous en vouloir de leur griller leur congé !

Dans le même registre, je fais l’expérience d’aller me faire masser, dans un centre de jeunes aveugles formés au massage traditionnel vietnamien. Moi qui pensais me faire chouchouter pendant une heure par des mains expertes (c’est bien connu, la perte de l’un des 5 sens décuple la sensibilité des 4 autres), bonjour la torture. J’aurai du mieux me documenter sur le fameux massage vietnamien. Ma douce praticienne me laboure le dos, quand elle ne le martèle pas de ses poings ou qu’elle ne me tire pas les cheveux par petites mèches. J’apprendrai plus tard que cette dernière pratique stimule la microcirculation crânienne et que l’effet bénéfique se ressent dans tout le corps. Merci bien ! Je ressors du centre le dos bien rouge, mais force est de constater que quelques heures après, je me sens moins nouée.

Après ces 3 jours en ville, nous cherchons comment rejoindre le Cambodge par le delta du Mekong. Nous essayons de nous organiser par nous-même mais tout nous ramène vers les agences, qui proposent des tarifs bien plus bas. Peu enthousiastes de fonctionner ainsi, nous nous consolons en nous disant nous utilisons surtout ce tour organisé pour avancer dans notre parcours, puisqu’il doit nous emmener jusqu’à Phnom Penh.

Si les bateaux et les bus que nous empruntons s’arrêtent régulièrement dans des boutiques de souvenirs attrape-touristes, nous passons tout de même par quelques étapes gourmandes vraiment intéressantes. Nous découvrons une fabrique artisanale de caramels à la noix de coco, une miellerie artisanale et une fabrique artisanale de nouilles de riz. A chaque fois, toute la famille met la main à la pâte, même les enfants, dont certains en bas-âge. Malheureusement, l’école n’est pas obligatoire partout au Vietnam et les parents préfèrent souvent bénéficier d’une main supplémentaire dans la production, plutôt que d’envoyer leur progéniture s’instruire.

A la fabrique de bonbons, nous rencontrons Robert, le python domestique de la famille. Il assure l’attraction touristique puisque tout le monde veut le prendre autour de son cou pour la photo souvenir. Après s’être assurés que Robert avait copieusement déjeuné au préalable, nous prenons une grande inspiration et tentons l’expérience. Photo d’Indiana-Roro, Indiana-Jenny et Indiana-Cigogne à la clé !

En début de soirée, le bus nous dépose au bord de l’autoroute avec notre guide, qui en est surement à son coup d’essai, question encadrement de groupes. Il est censé nous emmener jusqu’à notre maison d’hôtes pour la nuit. Il nous adresse de grands sourires mais l’on voit bien qu’il est paumé. Il réfléchit, puis traverse l’autoroute à pied, nous invitant à le suivre, pour aller apostropher 3 moto-taxis de l’autre côté. Il les missionne pour nous emmener, les uns après les autres, à notre point de chute. Une fois cramponnée à l’arrière avec mon gros backpack, derrière ce parfait inconnu qui roule à travers champs dans la nuit noire, je me marre en imaginant une scène similaire chez nous. Comment réagiraient les touristes ? J’arrive à bon port sans le moindre souci et je suis accueillie par la famille chez qui nous allons passer la nuit. Les autres membres du groupe ne tardent pas à me rejoindre. Si nos hôtes comprennent difficilement l’anglais, Hero, leur fils de 7 ans, est déjà presque bilingue. Plus difficile à encaisser, il a déjà bien compris comment séduire les touristes et comment tirer les ficelles de la consommation. Après un délicieux dîner que nous préparons avec la famille, nous nous couchons tôt. Nous sommes réveillés par la radio familiale à 5h du matin, version appel du muezzin qui estime que tu as assez dormi. Debout à 5h30 pour un départ à 6h, direction Can Tho, une des principales villes du delta du Mekong, où se tient tous les matins un gigantesque marché flottant. Les bateaux des grossistes sont là pour approvisionner les revendeurs qui officient sur la terre ferme. Malins, tous les bateaux accrochent à leur mât le produit qu’ils proposent à la vente. Pas besoin de faire 50 embarcations pour savoir où trouver les ananas ou les patates douces.

Tous le long du Mekong, nous rencontrons de petits villages flottants. Les maisons sont faites de bric et de broc et certaines tiennent à peine debout. Cependant, elles affichent toutes fièrement des antennes TV, voire même des paraboles satellites. C’est plutôt étonnant de voir cela ici puisqu’en théorie, le gouvernement vietnamien ayant la mainmise sur les médias, seuls les hôtels sont autorisés à recevoir les programmes diffusés par satellite.

Revers de médaille de ces charmants hameaux sur l’eau, les habitants se servent tous du fleuve comme poubelle ou comme tout-à-l’égout. Nous apercevons plusieurs personnes jetant des sacs plastique ou autres déchets non-biodégradables par leur fenêtre. Et à l’écart de chaque maison, trônent sur pilotis de toutes petites constructions en tôle, qui ne laissent que peu d’équivoque quant à leur utilité et leur évacuation, directement dans le fleuve. Paradoxalement, nous rencontrons aussi beaucoup d’habitants qui font leur vaisselle, leur lessive, voir leur toilette et leur brossage de dents avec l’eau du Mekong. Très peu pour nous !

Le dernier jour, nous prenons place à bord d’un rafiot riquiqui, qui nous emmène à la frontière cambodgienne. Au moment de régler notre visa, le guide nous demande 20 US$, plus une somme obscure de 4 US$ de frais de dossiers. Dubitatifs, nous lui demandons en quoi consistent ces frais. Et lui de répondre en souriant « C’est pour la poche des douaniers ! ». Beau métier… Mais si l’on ne paye pas, on risque d’être prisonnier du bon vouloir du prince-douanier, de tamponner ou non notre passeport. On se résigne, en marmonnant tous les deux dans la barbe de Roro.

Et nous voilà au Royaume du Cambodge ! Dans le prochain épisode de nos aventures, vous nous découvrirez à vélo, vous apprendrez ce qu’est un tuk-tuk et surtout, nous vous emmènerons avec nous à travers la visite des temples d’Angkor, aussi mythiques que magiques. Ne ratez pas la suite…

A très bientôt !

Les photos de cet article se trouvent dans l’album "Vietnam", aux les rubriques "Tran Pho Ho Chi Minh" (pour les photos de Saigon) et "Can Tho" (pour les photos de notre virée dans le delta du Mekong).

 


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