En roue libre au Laos

December 22nd, 2013

Sabaïdii (en tenant bien le « i ») et bienvenue au Laos !

Arrivés tout au Sud du pays, nous faisons escale dans la région de Siphandone, terme qui signifie littéralement « 4000 îles ». Dans ce petit paradis naturel, le temps semble s’arrêter. Même le Mekong se met sur pause et cesse ici d’être navigable, en raison des milliers de petits îlots qui le jalonnent. Nous ne les avons pas répertoriés pour vérifier si le compte y était, nous nous sommes contentés d'élire domicile sur l’île de Don Khône. Toute petite, elle est reliée à sa voisine Don Det, par un affreux pont en béton, souvenir laissé par les colons. Nous y passons 2 jours à nous balader en vélo, à admirer les rapides qui dévalent le Mekong autour des îles et à rêvasser devant les couleurs des couchers de soleil sur les cocotiers, en sirotant une Lao Beer, la boisson nationale.

A une quarantaine de kilomètres au Nord se trouve le village de Champassak et le temple de Wat Phou, qui vaut à lui seul une étape dans le Sud du pays, d’après notre guide. C’est effectivement très joli, mais sans vouloir jouer les blasées, je dois avouer qu’après avoir découvert Angkor, toute visite d’un temple khmer nous fait un peu l’effet d’un pétard mouillé. Pour la petite histoire, Wat Phou est dédié au Linga, le symbole phallique du Dieu hindou Shiva. On retrouve d’ailleurs des représentations de phallus tout au long de notre visite. Bien plus déluré que nos cathos et leur immaculée conception, le magasin de souvenirs prend des allures de sex-shop, avec tous ces minis-lingas en bois ou en pierre !

L’après-midi, nous remontons le Mekong jusqu’à Paksé, la plus grande ville du Sud du pays, d’où partent de nombreuses excursions pour le plateau des Bolovens. Marre des tours-opérators, nous voulons cette fois-ci organiser nos visites à notre rythme. La moto s’avère le meilleur moyen de découvrir cette région de moyenne montagne. Certes, nous n’avons jamais passé le permis consacré, mais les Laotiens ne s’arrêtent pas à ce genre de considérations. Notre loueur nous propose un scooter semi-automatique et dispense à Roro une formation accélérée, qui consiste à faire le tour du pâté de maisons. C’est parti pour 3 jours, cheveux au vent. Les premiers kilomètres sont ponctués de vilains à-coups à chaque changement de rapports, mais mon pilote fait rapidement des progrès et nous arrivons à une conduite fluide en milieu de journée.

Le plateau des Bolovens concentre de nombreuses productions agricoles : plantations d’hévéas, bananeraies, plantations de thé et surtout, de café. La route est magnifique et nous nous arrêtons régulièrement pour admirer le paysage et prendre des photos. Devant chaque maison, les paysans étalent les grains de café pour les faire sécher et les ratissent, en véritable petit jardin japonais. Tout le long du parcours, les enfants nous font signe de la main. Si nous avions déjà ce genre de chouettes contacts au Vietnam et au Cambodge, ces bouts-de-chou-là marquent un point d’authenticité puisqu’ils nous saluent dans leur jolie langue, plutôt qu’avec un « Hello » international.

Nous visitons un village mi-communauté, mi-écomusée. On ne sait pas trop où se situe la frontière du piège à touristes, mais c’est intéressant car cela nous permet de découvrir l’architecture des maisons traditionnelles laotiennes, qui ont tendance à disparaître au bénéfice de constructions en tôles, bien moins jolies mais bien moins onéreuses… La maison du chef du village nous fait penser à celle d’Assurancetourix. Plus loin sur notre route, nous dégustons un café, chez un petit producteur local. Etant plus une buveuse de thé, je trouve ce café-là particulièrement fort et suis obligée de le rallonger à l’eau et de le sucrer. Je subis les moqueries de mon George Clooney, qui lui le trouve tout à fait à son goût. What else ?

Nous atteignons notre première étape, Tad Lo, en fin d’après-midi. Le timing parfait pour assister au curieux ballet des habitants qui se rendent à la rivière, leur serviette sur l’épaule et leur savon à la main, pour y prendre leur bain.

Alors que nous cherchons où dîner, deux voix familières attirent notre attention dans un resto. Il s’agit d’Aurélien et Alicia, nos amis tour-du-mondistes tahitiens. Nous les pensions bien plus vers le Nord du pays, et voilà que nous tombons sur eux ici. Du coup, nous dînons avec eux chez Mama, une adorable grand-mère laotienne, qui affiche devant son établissement « Big food, small kips » (le kip étant la monnaie locale). Les assiettes tiennent parole, et au moment de partir, Mama nous noue à tous des petits bracelets bouddhistes, en nous récitant une prière pour nous souhaiter bonne route.

Le lendemain, nous continuons notre boucle tous ensemble. Nous découvrons un village de la minorité ethnique Katu, qui vit dans l’autarcie la plus totale, à quelques kilomètres de la route principale. Mister Hook, seul Katu à parler anglais, nous accueille et nous accompagne de maison en maison, en nous contant leurs traditions. Tous les habitants que nous croisons, enfants compris, fument du tabac dans de grandes pipes à eau en bambou. Un peu choqués, nous posons prudemment la question de la santé à Mister Hook. Et lui de nous répondre tout sourire qu’étant animistes, les Katus considèrent que seuls les esprits peuvent être responsables des maladies. Ainsi, les enfants ont le droit fumer en toute liberté dès l’âge de 3 ans. Et en cas de problème, il suffira de se rendre chez le chaman, qui décidera de la méthode à employer (comprendre : « de l’animal à sacrifier »).

Autre tradition particulière aux Katus : les membres de la tribu sculptent de leur vivant le cercueil qui accueillera leur dépouille, et le placent sous la maison, en attendant qu’il serve. Si nous trouvons cette coutume un peu morbide, Mister Hook, philosophe, nous explique qu’il n’y a rien de triste dans leur démarche, bien au contraire, et que "la mort fait partie de la vie".

Nous déjeunons au marché de Sékong, sur le trajet. Nous en profitons pour reposer nos fesses meurtries par le siège bien dur de la moto et la route cabossée. L’après-midi, nous faisons étape à la cascade de Ta Feng, où les jeunes laotiens ont pour habitude de se retrouver entre amis le week end. L’endroit est charmant, des paillotes sont aménagées pour pique-niquer tout autour de la cascade et la bière coule à flot chez nos voisins. Plus sages, nous dégustons la pastèque et les longanes, sorte de litchi au léger goût de melon, achetés au marché.

Alors que nous nous remettons en selle, nous sommes stoppés dans notre élan par une grosse averse. Nous cherchons donc de quoi dormir dans les environs. Le lendemain matin, mauvaise nouvelle : il a plu toute la nuit. Or, pour terminer notre boucle et rentrer à Paksé, il nous faut emprunter une piste de 70 kilomètres, connue pour être plutôt difficile… Nous tentons le coup, passons les premières bornes à surfer sur la gadoue, mais nous nous retrouvons rapidement bloqués par une coulée de boue infranchissable. Contraints de s’avouer vaincus, nous rebroussons chemin vers le bitume et avons le plaisir de nous farcir toute la boucle déjà parcourue, mais en sens inverse. Pour agrémenter notre trajet retour, une pluie battante se met à tomber. On s’arrête chez le premier marchand venu pour acheter des ponchos, mais malgré cela, nous arrivons à Paksé trempés jusqu’aux os et gelés ! Une douche chaude et un bon café nous remettent sur pieds.

Le soir, nous prenons notre bus pour Vientiane, la capitale. Nouvelle expérience de trajet de nuit dans un bus looké « Mon Petit Poney », où nous partageons un presque vrai lit, au format insolite : 100x170cm ! En voyageant en amoureux, pas de problème mais c’est toujours drôle d’espionner les mines heureuses ou déconfites de ceux qui, voyageant seuls, découvrent leur voisin de couchette.

Pas très attractive, Vientiane fait pourtant figure d’étape obligée dans notre périple. Nous devons nous occuper de quelques formalités administratives, notamment notre visa pour la Birmanie. C’est là que ceux qui suivent se disent « Mais… A la base, vous n’aviez pas prévu d’aller en Birmanie ! ». Vous avez raison, ce n’était pas prévu. Mais à force d’échanger avec des voyageurs ayant inclus cette étape à leur parcours, nous nous sommes laissés convaincre de changer notre programme. Nous abandonnons donc (pour cette fois-ci) l’Inde, au profit de ce pays tout récemment ouvert au tourisme, et donc encore très authentique. De plus, contrairement au visa indien qui nous a donné du fil à retordre depuis le début de notre voyage, le visa birman s’obtient très facilement et rapidement.

Devenus de vrais champions de la petite reine, nous découvrons la capitale à vélo. C’est moins cher que le tuk-tuk et plus pratique pour visiter les nombreux temples de Vientiane. Si nous n’aurions pas tenté l’expérience dans une ville vietnamienne, ici c’est un bonheur. Malgré le trafic, les gens sont respectueux, conduisent prudemment et surtout, ne klaxonnent pas ! La capitale laotienne s’en trouve beaucoup plus calme que tout ce que l’on a pu rencontrer au Vietnam et au Cambodge.

Soudain, arrêtés à un feu rouge, mon regard croise une enseigne improbable. Deux petits mots magiques qui nous donnent le sourire : « Restaurant Alsacien ». Impossible de passer devant sans aller voir ! Nous étudions la carte, cela nous plombe un peu le budget mais notre cigogne montre tellement d’enthousiasme que l’on succombe. Le riz gluant et la soupe de nouilles, on commence à en avoir ras-le-plat-à-Baeckeoffe ! Alors bon, l’établissement est tenu par un Bas-Rhinois d’Ohlungen mais à 10 000 km de chez nous, on peut bien faire fi des petites querelles interdépartementales et aller dîner chez notre meilleur ennemi. Je savoure une choucroute aussi douce et craquante qu’elle pourrait l’être à Krautergersheim, bien qu’élaborée avec des produits locaux, arrosée d’un Riesling dont les parfums me ramènent instantanément à la maison. Roro se délecte d’un énorme cordon bleu aux champignons, avec une salade de pommes-de-terre au goût inimitable, dont seuls les alsaciens ont le secret. Nous rentrons repus, nos estomacs n’étant plus habitués à de telles quantités. Mais quel plaisir ! Rien que pour ce dîner, l'étape à Vientiane valait le coup.

Notre visa en poche, nous mettons le cap sur Luang Prabang, où nous sommes arrivés hier et où nous allons passer Noël.

Nous vous souhaitons à tous des moments chaleureux avec vos proches, à l'occasion des fêtes. De notre côté, nous penserons bien aux nôtres, qui vont à coup sûr nous manquer cette année ! Et nous découvrirons après-demain à quoi ressemble le père Noël laotien…

A très vite pour de nouvelles aventures !

Les photos de cet article se trouvent dans l’album "Laos", aux rubriques "Champassak" (pour les photos de l’île de Don Khône et le temple de Wat Phou), "Paksé" (pour les photos du plateau des Bolovens) et "Vientiane".


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2 réponses

  1. Coucou Jenny,

    On attend du spectaculaire pour la nouvelle année, version pub orange 2010 ;)
    Je te fais plein bises et espère que ton Noël a été doux et heureux loin de Hans Trapp (quoi qu’avec Roro : il était bien là).

    A bientôt de lire tes prochaines aventures.



  2. La photo de la choucroute m'a bien fait sourire :-))) ! Merci de nous faire profiter de vos belles expériences...et Bonnes fêtes ! Bizz, P.

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