Sacrée Birmanie !
January 31st, 2014Mingala Ba et bienvenue au Myanmar (ex-Birmanie) !
Je suis navrée de ce silence-radio forcé et d’avoir tant tardé à mettre à jour nos aventures. Sachez pour ma défense que cet article est prêt depuis plus de 10 jours, mais au Myanmar, Internet reste un concept encore inconnu. Dans les rares guesthouses qui le proposent, le wifi ne fonctionne pas, et nous avons rapidement laissé tomber les cybercafés, où pour la modique somme de 2$, il faut attendre 1h avant de voir s’afficher la page d’accueil de Google. Vu de l’intérieur, c’était très agréable : cela nous a permis de nous sentir encore plus déconnectés du monde, durant ces 3 semaines.
J’ai décrit les Cambodgiens comme de vrais bisounours. Les Laotiens gagnent le titre de la population la plus zen au monde. La Thaïlande mérite amplement son surnom de pays du sourire. Et le Myanmar les atomise tous ! Quel bonheur de clôturer notre périple par ce pays... Nous avons vraiment terminé en apothéose. Il faudrait enrichir la langue française d’un adjectif particulièrement élogieux pour décrire l’incroyable chaleur humaine dont sont capables les Birmans. Nous qui cherchions de l’authenticité, nous avons été servis pendant 21 jours et cela nous a permis de rabattre le caquet aux quelques mauvaises langues qui nous avaient annoncé blasées que « Boooarf, de toutes façons, la Birmanie, c’est déjà trop tard pour y aller ! ». Les Birmans sont aussi friands de contacts avec les touristes que nous avec les locaux. Non contents de nous sourire et de nous saluer, ils sont nombreux à venir engager la conversation avec nous, tellement ravis de pouvoir baragouiner quelques mots d’anglais.
Encore plus que dans les autres pays visités, le Myanmar invite à agir de manière responsable, vis-à-vis de sa façon de voyager. Si le pays semble en légère voie d’amélioration, il est encore sous le joug d’un gouvernement ultra-militarisé omniprésent. Nous avons donc dû faire preuve d’une gymnastique intellectuelle quotidienne, pour éviter de refiler tous nos deniers au Big Brother local. « Ah, non, pas cet hôtel-là : la petite plaque dit qu’il est affilié au gouvernement ». « Ah, non, pas de trajet en train : même si la route est plus longue en bus, les compagnies sont gérées de manière privée, contrairement aux chemins de fer ». Je pense qu’on s’en est plutôt bien sorti, même s’il faut admettre qu’il est impossible de repartir sans avoir versé un centime à l’Etat.
Arrivés à Mandalay, une grande ville située au centre du pays, nous plongeons immédiatement dans le bain. On vient de passer 2 mois en Asie, et le choc des cultures est pourtant très fort. Les routes bitumées sont extrêmement rares, de même que les maisons en dur. Partout, le sol est taché de gros jets de salive rouge sang, résultat du machouillage intensif de noix de bétel par tous les habitants, qui affichent un sourire de vampire. Les vêtements des Birmans sont également différents des autres pays asiatiques. Hommes et femmes portent le longyi (prononcer « londji »), un grand pan de tissu enroulé autour de la taille, version jupe longue. Nous ne tardons pas à l’adopter, ce qui ravit tous les autochtones que nous croisons.
Nous passons notre première soirée birmane assis sur un trottoir avec des locaux, à jouer au Tchuay Tchuay, cousin lointain des petits chevaux où les dés sont remplacés par des coquillages. Il nous aura suffi de les regarder d’un air curieux pour nous faire inviter dans la partie. Une fois les règles expliquées, on mise de l’argent, et fort heureusement, nous perdons à chaque coup ! Les mises ne représentent rien pour nous mais ce n’est pas le cas pour nos concurrents dans la bataille, et j’avoue que cela m’aurait gêné de les plumer.
Le lendemain, nous partons pour les montagnes du Nord Est, dans la région de Lashio, point de départ de nombreux treks. Après 2 jours de repos forcé, dus à un nerf coincé dans mon pied gauche entrainant une impossibilité totale de marcher, nous pouvons envisager de partir à l’assaut des hauteurs. Impossible d’y aller seuls en cherchant où dormir au fur et à mesure : certaines zones sont fermées aux touristes et les habitants ont l’interdiction d’héberger les randonneurs. Manquerait plus qu’ils se fassent un peu d’argent sans que le gouvernement puisse les taxer… On respecte les règles, pas envie de mettre les Birmans en danger sachant que l’œil de Yangon est partout. Nous rencontrons dans notre guesthouse 2 couples de français et mettons sur pied un parcours de 3 jours en compagnie de Tan, un guide indépendant, en s’étant assurés au préalable que 100% de ce qu’on lui versera atterrira dans sa poche. Heureusement qu’il part avec nous car nous aurions été bien incapables de nous orienter dans le dédale des sentiers de montagne. Nous croisons un grand nombre de villages de minorités ethniques différentes, dont les niveaux de vie varient énormément. Certains n’ont pas l’électricité alors que les maisons du village suivant possèdent toutes des antennes paraboliques dignes de la NASA. Toutes les ethnies parlent plus ou moins birman, mais c’est leur dialecte et leurs coutumes qui prédominent. Comme ce village Shan dont la porte est ornée d’un grand couteau, parfois remplacé par une faux ou même un pistolet… Accueillant ! Tan nous explique que les seuls visés par ces artefacts sont les mauvais esprits, qui du coup, ne pénètrent pas. Un peu plus loin, avant de passer la porte d’un village Pao, nous remarquons des petites confections en fleurs, avec des bonshommes de papier ornés d’une croix à la tête, au ventre, au pied… Ce sont les habitants qui viennent déposer leurs maux à l’extérieur du village. Si j’avais su que c’était aussi simple, j’aurai tenté le coup avec mon pied malade ! Nous nous arrêtons pour déjeuner chez une super-star locale : la maîtresse de maison figure dans les pages coups de cœur du Lonely Planet Myanmar. Nous plaisantons à ce sujet avec elle, lui demandons un autographe, mais elle est plutôt réservée, alors nous n’insistons pas. On se contente de prendre la même photo que dans notre guide, mais en plus jolie.
De retour en ville après 3 chouettes journées à crapahuter, nous continuons la route à 6, avec nos 4 compères français et partons pour la région du Lac Inle. Plus touristique, les prix y sont bien plus élevés et nous avons beaucoup de mal à trouver un hôtel dans notre budget, un comble en Asie. Entre les chambres où la naphtaline arrive à peine à masquer l’odeur de renfermé et les établissements dont les sanitaires communs donneraient des cauchemars à des cafards, on se rabat sur une chambre single avec un lit une-place et nous dormons tant bien que mal, pelotonnés l’un contre l’autre. Le confort, c‘est has been et au moins, la chambre est propre.
Avec tout le fourmillement de vie qui s’est développé sur l’eau, les villages construits sur le lac Inle nous font beaucoup penser aux îles flottantes du lac Titicaca. Pirogues amarrées devant chaque maison sur pilotis, chemins lacustres entre les roseaux ou potagers flottants, tout illustre l’adaptation de l’homme à son environnement. Nous louons les services d’un bateau pour faire le tour du lac sur une journée, et nous partons à la découverte des différents villages d’artisans. Nous visitons tour à tour une fabrique de tissus, une production de cigares, un atelier de sculpture sur teck, une fabrique de papier… Partout, tout est fait à la main de A à Z. Dur de ne pas trop faire chauffer le porte-monnaie, mais flûte, on ne se tape pas des nuits dans un lit de 90 cm pour rien !
Le jour suivant, nous louons des vélos pour découvrir les environs. Lors de nos précédentes étapes, nous nous étions bien habitués à la moto et l’idée de refaire du sport ne nous enchante guère. Mais malheureusement pour nos mollets, le gouvernement interdit la location de deux-roues motorisés aux touristes, histoire de se décharger de toute complication éventuelle en cas d’accident. Nous avons de la chance, le trajet est intégralement plat. Première halte prévue : des sources chaudes aux pieds des montagnes. Mmmmh ! Mais au moment de rentrer sur le site, nous apprenons que l’entreprise (gérée par l'état) demande un droit d’entrée de 10$ par touriste. Les locaux ne peuvent évidemment pas se permettre une telle somme, et franchement, je ne vois aucun intérêt à payer 10$ pour se retrouver entourés de blancs. A l’entrée, une Birmane nous indique un petit bassin gratuit, à l’extérieur du site touristique, utilisé par les habitants comme bain public. Hommes et femmes sont séparés. Derrière le petit muret qui entoure ce spa fait maison, le spectacle est amusant : leurs longyis noués au-dessus de la poitrine, les femmes se nettoient des pieds à la tête, tandis que d’autres font leur lessive, le tout dans le même bassin. Je me lance et je sors timidement mon savon de Marseille. Mes camarades de baignoire me fixent avec des yeux ronds, avant d’exploser de rire et de me faire comprendre que elles, ce genre de savon, elles ne s’en servent que pour laver le linge. Elles m’invitent à me joindre à elles et me déballent tout leur attirail beauté : gommage pour le corps, pour le visage, shampoing, masque capillaire, pierre ponce, brosse à ongles, crème hydratante… On se frotte mutuellement le dos, dans une ambiance de hammam marocain. C’est vraiment génial ! Chez nous, si tu as le malheur d’oublier ton gel douche à la piscine, tu peux te brosser pour trouver une âme charitable qui veuille bien te dépanner ! Mes nouvelles copines s’évertuent toutes à me parler en birman, en ne comprenant pas que moi-même je ne comprends rien à ce qu’elles me racontent. Quoi qu’il en soit, on rigole beaucoup et je ressors brillante comme un kyat neuf. Bizarrement, de son côté du muret, Roro gardera un souvenir bien moins impérissable, n’ayant pas trouvé chez les hommes de volontaire pour lui frotter le dos…
Un peu plus loin sur notre parcours, nous sommes surpris de tomber sur un domaine viticole. Gérée par un français, l’exploitation est immense et les équipements sont du dernier cri. La visite des vignes et de la cave se fait en autonomie totale. Dommage, j’aurais eu de nombreuses questions à poser et les employés ne parlent pas un mot d’anglais. Nous passons ensuite à la dégustation : Cabernet Blanc, Rosé, Merlot et « Vendanges Tardives », sans indication de cépage. Les blancs ne s’en sortent pas trop mal, mais au final, on apprécie plus la jolie vue sur le lac depuis les coteaux, que les vins eux-mêmes.
D’ailleurs, cela nous donne envie de pousser un peu plus vers les collines. Nous repartons sur un trek de 2 jours en compagnie de Zo, un jeune Birman officiant depuis 7 mois en tant que guide. Zo voit l’essor du tourisme d’un très bon œil. Il lui a en effet permis de sortir de ses champs et d’échapper au dur métier d’agriculteur, pour embrasser une carrière bien plus lucrative.
Sur notre chemin, nous croisons un groupe d’étudiants en sortie scolaire. Dès qu’ils nous voient, ils accourent et s’agglutinent autour de nous. Ils vont visiter une grotte bouddhiste, qui constitue la première étape de notre trek. Nous cheminons donc ensemble, en papotant avec eux. Ils nous assaillent de questions, sur tout et n’importe quoi. Tout est prétexte à parler anglais. Les jeunes filles insistent pour me couvrir le visage de Tanaka, cette poudre de bois utilisée au Myanmar comme soin de la peau et maquillage, et qui donne un peu l’impression de sortir dans la rue avec son masque à l’argile. Tour à tour, elles me dévisagent et chaque partie de mon corps devient sujette à compliments : « Que vous avez de beaux yeux / cheveux / dents / mains ! ». Roro reçoit également son lot d’éloges. Et vas-y que vous êtes très beau, très élégant, j’aime beaucoup votre barbe, vous formez un si beau couple tous les deux… Un vrai cadeau pour la confiance en soi et un pur moment de bonheur pour nos égos, sachant qu’elles-mêmes sont toutes plus jolies les unes que les autres. Après avoir découvert la fameuse grotte, pris de nombreuses photos tous ensemble et échangé nos adresses mails, nous prenons congé et repartons avec Zo.
La balade est très plaisante et nous permet de jouir d’un panorama sublime sur le Lac Inle. En fin d’après-midi, nous arrivons dans une école monastique, où nous passerons la nuit. Les petits moines – tous de jeunes garçons – sont âgés de 5 à 7 ans. Ils ont l’obligation de venir passer une semaine dans cette école, pour obtenir le statut de novice. Plus tard, ils pourront choisir d’y revenir, s’ils souhaitent consacrer leur vie à Buddha.
Nous allons admirer le coucher du soleil sur la colline qui surplombe le monastère. Nous y apercevons un moine assis dans la position du lotus, sans doute en pleine méditation. La scène est touchante… Sauf qu’en arrivant son niveau, on constate qu’il pianote sur son smartphone. Il nous salue et nous explique en riant qu’il capte mieux la 3G au sommet de la montagne, même si la connexion est trop lente pour pouvoir mettre des photos sur Facebook. Tu parles d’une méditation !
Notre nuit sera bien fraîche, dans le monastère ouvert aux quatre vents, et les deux couvertures fournies ne nous empêcheront pas de grelotter. Au matin, alors que nous prenons notre petit déjeuner, un vieux moine vient discuter avec nous. Nous lui parlons de notre voyage, de nos vies… Il nous demande nos âges et, à l’aide d’un morceau de charbon, il se lance dans des calculs savants sur une poutre du bâtiment. En fonction de nos dates de naissance, des astres, du sens du vent et de je-ne-sais-trop-quels-chiffres sortis de derrière les fagots, il nous affirme que nous aurons une vie heureuse, et que nous aurons 3 enfants… Il s’arrête, fronce les sourcils, reprend ses calculs, pour nous dire finalement que nous n’en aurons peut-être que 2. Ou alors un seul. Enfin bref, on verra bien, quoi ! Nostradamus n’a qu’à bien se tenir.
Nous reprenons notre route à travers les champs de tabac, les bananeraies et les plantations de thé, et nous arrivons aux bords du Lac Inle, juste à temps pour attraper notre bus.
Fin de la première partie ! Afin de vous ménager et de ne pas vous servir tout le Myanmar en une seule fois, je vous réserve la seconde moitié de nos aventures birmanes pour un prochain épisode.
A très vite !
Les photos de cet article se trouvent dans l’album "Myanmar", aux rubriques "Mandalay", "Lashio" et "Taunggyi" (pour les photos de la région du Lac Inle).
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des sourires et du soleil, voilà ce que vous nous envoyez en prime de belles aventures joliment contées. Hâte de les entendre de vives voix. Profitez bien et bonne dernière ligne droite !
bizzzzz
Un peu surfait votre récit... Ça vous fera du bien de revoir des vrais gens, avec des vrais problèmes et qui, donc, font la tronche ;0)
À très vite et gardez le sourire.
Bises.
Ton look laisse vraiment à désirer : vivement que tu rentres ;)
Mais tu es toujours aussi belle, alors j'essaye de te pardonner tes choix de pantalons douteux !
Bon, tu auras au moins échappé à la mode des leggings à fleurs;)
Je vous embrasse bien fort et ai de plus en plus hâte de vous revoir.
Fatiha