En transit aux portes de l'Asie

November 7th, 2013

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Pour nous rendre de Darwin, en Australie, à Hanoi, au Vietnam, les bizarreries des liaisons aériennes nous font passer par Singapour, puis par Hong Kong. On se prend donc 3 jours dans chacune de ces villes, histoire de découvrir autre chose que leur aéroport.

Notre vol Darwin-Singapour est opéré par Jetstar, le low-cost local. Ils appliquent le même principe que notre cher Easyjet : si tu payes rien, t’as rien. Autant dire qu’il s’agit d’une bétaillère et que si l'on a faim, il va falloir banquer pour nos repas. Sauf que, surprise, nous avons droit à un surclassement ! Moi qui baratine depuis 8 mois en vain les hôtesses à chaque enregistrement, en racontant que nous faisons le tour du monde, que nous sommes en lune de miel (pas vrai, mais il faut tenter le coup), je papillonne des cils en croisant les doigts très fort… Et c’est sur la compagnie la plus naze que nous obtenons cette faveur. Point de siège inclinable à 180°, de petit écran personnel ou de coupe de champagne, chez Jetstar, le surclassement consiste à nous offrir une couverture logotée, une trousse de toilette logotée et un plat chaud, mauvais, mais gratuit. Nous conservons nos places au milieu du petit peuple de la classe économique et nos voisins de siège nous jettent des regards envieux.

Au passage des douanes, mon cher et tendre barbu a un peu de mal à convaincre l’officier que si, si, c’est bien lui sur la photo du passeport, mais que depuis, cheveux et poils ont vécu leur vie. Dubitatif, le douanier lui demande de décliner le plus rapidement possible nom, prénoms, date et lieu de naissance et tout le toutim, ce qui se révèle, dans la langue de Shakespeare, toute une épreuve pour mon pauvre Roro. Mon tour venu, le même douanier me demande de confirmer les données, avant de nous laisser partir. Au poil !

De prime abord, Singapour dégage une ambiance aseptisée. Les rues sont particulièrement propres, tout le monde est très poli, souriant et détendu, les gens font la queue pour prendre le métro et personne ne traverse au feu rouge. C’est certes très agréable, mais d’innombrables interdictions sont derrière tout cela : si l’envie vous prend de dégainer votre bouteille d’eau dans le métro pour étancher une soif soudaine, vous serez passible d’une amende de 500$. De même si l’on vous prend en train de mâcher du chewing-gum dans la rue. Ils sont fous, ces Singapouriens…

Malgré les 6 millions d’habitants, les rues ne sont pas engorgées de voitures et les bruits de klaxons inexistants (c’est interdit !). Il faut dire qu’ici, conduire est un luxe puisqu’après avoir acheté son véhicule et payé pour son permis de conduire, il faut encore s’acquitter de la somme de 50 000 US$ pour avoir l’autorisation de rouler. Autorisation à renouveler tous les 10 ans ! Aussi, les taxis sont nombreux et les voitures particulières très haut de gamme. C’est vrai, quand on peut s’offrir une Ferrari, les 50 000 US$ ne sont qu’une bagatelle !

Autre fait marquant : l’aspect cosmopolite de la ville. Avec 4 langues officielles, tout, ou presque, est toujours écrit en mandarin, en malais, en tamoul et en anglais. Les ethnies cohabitent facilement et, chose rare, se mélangent volontiers.

A deux pas de notre hôtel, nous rencontrons un marchand ambulant de durian, le fameux fruit maudit d’Asie. Son odeur est si abominable que dans le lot des moult interdictions de la cité-état, figure celle d’en transporter, et a fortiori d’en manger, dans les transports publics. On s’est promis d’y goûter au moins une fois. Il paraît qu’après la première impression nauséabonde, le goût est agréable. Le marchand découpe les fruits et dispose la chair dans des barquettes qu’il propose à la vente. On s’arrête, curieux, et un couple de Singapouriens en pleine dégustation nous invite à partager leur quatre-heures. Le vendeur met à disposition des gants en plastique pour savourer le durian sans se pestiférer les doigts, ainsi que des petites bouteilles d’eau pour se rincer la bouche après… On se demande un peu l’intérêt de s’infliger un tel supplice, mais cela fait partie de la découverte d’autres cultures, alors on fonce. Au nez, l’arôme du durian évoque l’œuf pourri, le rat mort ou le très très très vieux fromage. Une fois en bouche…. ça ne change pas beaucoup ! Je n’arrive personnellement pas à déceler les saveurs délicates du fruit et la petite bouteille d’eau est plus que bienvenue. Les Singapouriens sont morts de rire devant ma mine écœurée. Roro  trouve ça plutôt bon, sucré et crémeux. Mais il ne souhaitera pas réitérer l’expérience pour autant.

Nous nous enfonçons dans Little India, le quartier indien de Singapour, plus vrai que nature. Sur une cinquantaine de pâtés de maisons, on se croirait plongés en plein Delhi, d’autant plus que nous sommes dans la période de Deepavali, la fête des lumières. Les rues sont décorées et la musique indienne qui s'échappe des boutiques donne à notre promenade des airs de Bollywood. Nous déjeunons dans un petit boui-boui indien, où l’on mange comme les locaux : sans couverts et en se servant de la main droite (la gauche étant réservée à l’autre extrémité du tube digestif). On retombe en enfance et c’est plutôt rigolo de manger notre plat en sauce de la sorte. On termine notre repas les doigts pleins de bouillie et on prend notre place dans la procession d’Indiens qui se rendent, la main droite levée, à l’arrière du resto où se trouvent les lave-mains.

A Singapour, il y a deux centres d’intérêt : le shopping et la bonne chère. On trouve ici un nombre incalculable de Hawker Center, de grands temples dédiés aux gastronomies des pays d’Asie. Cathie et Donald, deux expats américains installés à Singapour dont le contact m’a été donné par une amie en Alsace, nous font découvrir un de ces lieux. Sur plusieurs étages pour les plus grands, ils regroupent des petits stands où l’on va choisir son plat, avant d’aller se trouver une place sur les mille et une tables au milieu de la foule. On peut y prendre son repas à toute heure du jour et de la nuit pour une bouchée de pain. Ils nous confirment d’ailleurs que rares sont les habitants qui cuisinent, tant il est facile et bon marché de se restaurer ici. Nous choisissons tous un stand différent et l’on se retrouve pour partager nos mets plein de saveurs. Ils nous emmènent ensuite découvrir Chinatown, qui nous semble un peu moins authentique que Little India. On y trouve essentiellement des boutiques de souvenirs avec des promos délirantes, comme ces 36 portes-clés «I love Singapour» pour 10$...

Nous prenons congé et allons nous balader du côté de la Marina Bay. Les buildings démesurés du quartier d’affaires scintillent comme à Noël. On s’offre un tour sur la plus haute grande roue du monde et, perchés à 165 mètres, on admire les lumières de la ville et plus loin, de la Malaisie.

Le lendemain, nous commençons la journée au jardin botanique, et plus particulièrement au jardin des orchidées. Là où, chez nous, on peine à faire refleurir notre phalaenopsis, dans la chaleur moite de Singapour, elles pullulent joyeusement et forment des buissons entiers ! Des orchidées classiques aux croisements rares, en passant par les créations originales et les mutations génétiques, la promenade bucolique est un ravissement pour nos mirettes. La carte mémoire de notre appareil photo se remplit vitesse grand V au fur et à mesure des allées.

Même si je me suis résignée à reléguer le shopping au rang de rêve impossible à accomplir avant mon retour en France, faire un tour dans les immenses centres commerciaux de Singapour est une expérience à vivre. Tout est dans l’outrance et la disproportion. Les « malls » font la taille de petits villages, avec des structures architecturales complètement folles. Les boutiques de luxe s’en donnent à cœur joie pour habiller leur devanture. Louis Vuitton possède même un magasin flottant où l’on peut aller faire son shopping en bateau, si l’on n’arrive pas en hélicoptère sur le toit du mall attenant.

Toujours plus audacieuse dans ses créations, la ville a donné le jour en 2012 au Garden by the Bay, un parc futuriste où cohabitent de minis-jardins éphémères, une serre de plantes rares et, l’attraction principale, une forêt de « super-arbres », des structures métalliques de 25 mètres. On se promène sur la passerelle mise en place autour de leurs cimes, pour observer le son et lumière donné gratuitement chaque soir dans cet étrange bosquet. On enchaine ensuite avec un autre spectacle nocturne, également gratuit et quotidien, sur la Marina Bay : laser show, jeux de jets d’eau, pyrotechnie, projections sur écran d’eau, le tout mis en musique… A Singapour, trop, ce n’est jamais assez !

La ville est immense et 3 jours ne sont pas suffisants pour en faire le tour. Cette mise en bouche nous a donné l’envie d’y revenir un jour. Peut-être en y faisant escale lors d’un prochain voyage. Pour l’heure, c’est une autre grande mégapole asiatique qui nous attend.

4h30 de vol nous séparent de Hong Kong. Dès la sortie de l’avion, la différence avec Singapour est frappante, surtout au niveau de l’intensité sonore. Les chinois parlent fort, rigolent fort, toussent, se raclent la gorge, crachent… Bienvenue dans une Asie un peu plus authentique !

Le temps de déposer nos bagages à l’hôtel, nous rejoignons Alex, un ami de ma nièce, expat à Hong Kong depuis 8 mois, à l’hippodrome de Happy Valley. Lieu incontournable situé en plein milieu de la ville et entouré de gratte-ciels, le champ de courses s’enflamme tous les mercredis soirs et attire des milliers de personnes, passionnées de courses ou simples curieux. L’atmosphère est survoltée, les bookmakers prennent les paris à tout-va et les parieurs croquent leur journal tandis les chevaux franchissent la ligne d’arrivée, en déclenchant les hurlements de la foule. Les courses s’enchainent jusqu’à 22h, heure où l’hippodrome est vidé et tout le monde rentre se coucher, plus ou moins riche.

La soirée se poursuit avec Alex et Camille, une de ses amies expat, à flâner dans les rues encore très fréquentées. Terminé les interdictions de l'Australie et de Singapour, on peut s’arrêter dans un parc pour siroter une bière sans risquer la prison. Cela fait du bien ! Les gigantesques panneaux publicitaires nous éclairent comme en plein jour.

Le lendemain, nous partons sur l’île de Lantau, rendre visite au célèbre Buddha géant. Un peu décrié pour son manque d’authenticité par nos deux compères de la veille, il vaut tout de même le détour. Certes, il fut édifié récemment (1993) et le village de boutiques de souvenirs construit à ses pieds ne lui fait pas honneur, mais nous croisons tout de même un moine bouddhiste venu se recueillir sur le site, gage de la spiritualité du lieu. La balade pour s’y rendre fait partie de l’attraction : un trajet de 6 kilomètres en téléphérique, où l’on admire les hauteurs de l’île et les buildings de la ville pendant près d’une demi-heure.

Le soir, nous dinons à Temple Street Night Market, une sorte de marché aux puces nocturne quotidien où l’on mange des spécialités asiatiques au coude à coude, sur de minuscules tables de jardin. A la bonne franquette : en guise de serviettes, un rouleau de papier toilette est disposé sur chaque table ! Nous discutons un peu avec nos voisins, deux hommes d’affaires de Shanghai. Nous sommes très surpris quand ils nous confient que pour eux aussi, Hong Kong est très exotique. Au niveau de la langue, tout d’abord, puisqu’en bons mandarins, ils ne comprennent pas le cantonnais. Mais aussi au niveau de la gastronomie, des habitudes de vie, etc… Devant mon air étonné, ils m’assènent : « Vous français, vous êtes bien dépaysés quand vous allez en Allemagne ou en Angleterre, non ? ». Un point pour eux.

Ce qui est agréable dans cette ville, c’est qu’il est facile d’en sortir pour aller faire le plein de sérénité à la campagne. Hong Kong est extrêmement énergivore, tout y va très (trop !) vite. Aussi, quand Camille nous propose une balade en pleine nature à 1h30 de métro, nous la suivons avec plaisir. Nous commençons par la visite d’un petit village de pêcheurs avant de se perdre dans les collines environnantes. On a peine à croire que l’on est si proche du stress de la ville.

Les temples constituent d’autres lieux où il fait bon échapper à l’effervescence de la rue. Les effluves dégagés par les spirales d’encens nous apaisent, de même que les incantations envoûtantes des moines. Le temple Man Mo est un véritable petit sanctuaire où le temps semble s’arrêter.

Comme je vous l’ai dit, tout est ici pensé pour aller le plus vite possible. Cela a parfois du bon, avec un concept unique qui aurait le mérite d’être imité dans les grandes villes du monde entier : un bureau d’enregistrement des bagages pour l’aéroport en plein centre-ville. Aussi, le dernier jour, nous n’avons pas à nous soucier de nos gros backpacks. Nous les déposons le matin à ce fameux « In town check-in » et pouvons continuer à visiter, le dos libre et léger. Nous prenons de la hauteur et grimpons en funiculaire sur le Victoria Peak qui domine la ville. Le trajet est impressionnant, la voiture monte à même la paroi sur une pente à près de 50°. Une fois en haut, c’est tout Hong Kong qui s’offre à nous, une infinité de buildings d’affaires et d’habitation, tous plus hauts et plus fous les uns que les autres. Un voile de pollution enveloppe la ville en permanence et on ne distingue pas les montagnes qui l’entourent. Le temps de prendre quelques photos et il est déjà l’heure d’attraper un taxi et de filer à l’aéroport...

Deux villes gigantesques, deux ambiances, deux âmes. Cet avant-goût d’Asie nous met l’eau à la bouche pour la suite, nous avons hâte d’arriver au Vietnam. Nous décollons pour Hanoi avec, sauf modification, le dernier avion que nous prendrons avant celui qui nous ramènera en France. A partir de maintenant, c’est reparti pour le voyage en sac à dos !

A bientôt pour découvrir nos aventures au pays du Dragon. Merci pour vos commentaires, je prends beaucoup de plaisir à les découvrir et je les relis souvent, en souriant.

Les photos de cet article se trouvent dans les albums "Singapour" et "Hong Kong".


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2 réponses



  1. Un vrai plaisir à lire ce carnet de voyage "Vietnam" et puis DIVINES photos qui me donnent envie de... prendre mon sac à dos...
    With Love
  2. Moi aussi j'avoue prendre beaucoup de plaisir à lire vos aventures, et le texte si finement rédigé, un vrai bonheur ! MERCI <3

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