Good morning, Vietnam !

November 19th, 2013

Xin Chào et bienvenue au Vietnam !

J’écrivais dans mon article précédent qu’Hong Kong était une ville énergivore. Je ne connaissais pas encore Hanoi ! 3 000 000 d’habitants et quasiment autant de mobylettes, scooters, solex et autres deux-roues qui n’ont de cesse de klaxonner, dans un vacarme assourdissant, amplifié par les ruelles étroites du centre historique. Traverser la chaussée devient un vrai challenge, soumis à des règles très strictes : ne pas attendre que la voie soit libre (au risque de ne jamais pouvoir passer), regarder droit devant soi et ne pas quitter des yeux son objectif, marcher ni trop vite ni trop lentement en gardant toujours la même allure, ne jamais s’arrêter au milieu de la rue, NE JAMAIS S’ARRETER AU MILIEU DE LA RUE, partir du principe que tout va bien se passer. On ne sait trop par quel miracle on arrive vivant sur le trottoir d’en face, mais cela fonctionne à chaque fois, les deux roues calculant leur trajectoire au fur et à mesure pour nous passer devant, derrière, sur le côté…

Le dépaysement est immédiat et les conventions complètement chamboulées. Cela fait du bien de bousculer à nouveau nos habitudes. Par exemple, ici, l’utilité des trottoirs est réinventée. On y trouve des centaines de scooters garés, des coiffeurs improvisés, des restos qui squattent la rue pour s’en faire une terrasse avec de toutes petites tables et de tous petits tabourets… Les véhicules sont obligés d’accueillir les piétons sur la voie, ce qui demande à ces derniers encore plus d’attention. Cela fourmille dans tous les sens, depuis très tôt le matin jusque très tard le soir.

Notre hôtel se trouve dans le quartier historique des 36 corporations. Si la rue de la soie et la rue du bois laqué ont été remplacées par la rue des quincaillers et celle des drogueries, le quartier n’en a pas perdu son charme. Construit tout autour du lac sacré Hoàn Kiêm, il est le cœur battant de la ville.

Sachant que nous y reviendrons bientôt, nous quittons Hanoi assez rapidement, direction la baie d’Halong. Nous nous offrons un séjour de 3 jours et 2 nuits dans une superbe jonque-hôtel. Une fois à bord, nous constatons que les photos de la brochure sont non-contractuelles, ou du moins, que le bateau a un peu vieilli depuis les prises de vue.

La première journée est franchement décevante. Nous sommes loin des scènes splendides mises à l’honneur dans le film Indochine… Les bateaux de touristes sont partout et il est bien difficile d’obtenir un cliché sans avoir 10 embarcations au premier plan. Chaque jonque possède une feuille de route définie, pour emmener ses passagers découvrir les incontournables de la baie. Problème : tous les bateaux se rendent aux mêmes endroits en même temps. Nous nous arrêtons sur l’un des 2000 îlots de la baie, pour visiter une grotte séculaire magnifique, mais si encombrée de touristes que l’on a l’impression de faire la queue pour le manège du siècle à EuroDisney. L’endroit a été lourdement aménagé pour le tourisme, et a perdu beaucoup de sa beauté naturelle. Des passerelles en béton ont été coulées sur toute la promenade, d’affreuses poubelles en forme de pingouin sont disposées un peu partout (on apprécie le geste écolo, mais on aurait aimé quelque chose qui cadre un peu mieux avec le paysage) et des éclairages de toutes les couleurs tentent tant bien que mal de mettre en valeur les aspérités biscornues de la cavité…

Seconde halte sur un autre pain de sucre, où nous avons la possibilité de faire trempette dans les eaux tout sauf limpides de la baie. Ici aussi, la petite plagette est surpeuplée et l’eau ne donne pas envie d’y tremper un orteil. On s’écarte un peu pour grimper sur les hauteurs et s’offrir une vue panoramique sur les fjords. Au soleil couchant et sans trop de bateaux pour nous gâcher le paysage, la baie se dévoile, grandiose.

Heureusement, la deuxième journée nous séduit beaucoup plus. Aux aurores, le ciel gris se confond avec la mer et les îlots semblent flotter dans la brume. Nous troquons notre grande embarcation pour une plus petite, qui nous permet d’atteindre des coins plus reculés et plus intimistes. Après un déjeuner aux saveurs de citronnelle et de satay, nous nous dégourdissons les bras lors d’une petite balade en kayak. Nous avons pour instruction de ne pas trop nous éloigner : les îles constituent un véritable labyrinthe et nombreuses sont les légendes sur ceux qui se sont perdus et que la baie n’a jamais rendus. En faisant bien attention de retenir le chemin, nous pagayons jusqu’à nous retrouver seuls au monde. Après la cohue de la veille, c’est un vrai luxe. Nous passons sous des arches naturelles, nous croisons quelques belles méduses qui nous dissuadent de nous baigner et nous jetons l’ancre sur une petite plage pour la sieste. Les îlots apparaissent comme taillés à la serpe, ou plus justement, selon le mythe local, dessinés par les violents mouvements de la queue du dragon, venu ici pour domestiquer les courants marins. Ha Long signifie d’ailleurs « descente du dragon ». J’aurai bien poussé la promenade un peu plus loin mais mon coéquipier m’accuse de lui laisser tout le travail. Nous rebroussons donc chemin vers notre maison-mère.

Nous passons notre dernière soirée sur la baie à pousser la chansonnette : l’équipage nous organise une soirée karaoké, le sport national vietnamien. Nous sommes tous un peu réticents à nous lancer. Le capitaine nous offre alors quelques verres de vin de Da Lat, une province vinicole du Vietnam. Lui et ses 16° auront raison de notre timidité. Après une formidable interprétation de « Like a Virgin », je rejoins Roro sur le pont, qui admire les étoiles. Il me promet « Moi, je ne chanterai que sur Freddy Mercury ». Comme nous redescendons, nous entendons s’élever les premières notes de « Bohemian Rhapsody ». Une promesse est une promesse, Roro au micro assure comme un pro. Je me hâte de prendre une vidéo, à ranger dans les gros dossiers, si un jour je veux le faire chanter !

Pour revenir sur la terre, nous quittons la baie d’Halong pour voguer entre les îles de la baie de Bai Tu Long. Assez similaires, la deuxième se distingue surtout par sa fréquentation bien moindre, les compagnies ayant l’autorisation d’y naviguer étant plus rares. Le temps de prendre notre dernier déjeuner à bord, nous reprenons le bus pour Hanoi. Nous repartons très heureux d’avoir eu la chance de découvrir ces paysages exceptionnels, mais nous gardons une pointounette d’amertume. Le filon touristique est exploité jusqu’à la moelle, pas de la manière la plus fine qui soit, et le rapport qualité-prix ne suit pas. Ce n’est pas cela que l’on gardera en mémoire, mais c’est la réflexion que l’on se fait avec les autres passagers, durant les 4h de trajet retour vers Hanoi.

Nous enchainons le soir-même avec un train de nuit pour Lao Cai, à l’extrême Nord du Pays. Les couchettes vietnamiennes sont une sacrée expérience et un beau traumatisme pour les lombaires. Au moment de réserver notre billet, pas de bol : plus de place dans les compartiments appelés « soft bed ». Nous voyageons donc en compartiment « hard bed ». Doux euphémisme… Nous prenons la mesure de ce nom évocateur une fois allongés dessus. En guise de lit, il s’agit d’une simple planche de bois recouverte d’un drap. Pour notre confort, l’oreiller brique et la couverture qui gratte sont offerts. Mais ce n’est rien comparé au civisme et au savoir-vivre de nos compagnons de couchette qui s’assoient sur notre lit toute la nuit (ben oui, la couchette du bas est la seule où l’on peut s’asseoir, alors peu importe le fait qu’elle soit occupée !), qui allument la petite veilleuse au-dessus de notre tête (ben oui, quitte à être assis, autant bouquiner !) et qui parlent fort (ben oui, quitte à bouquiner, autant échanger sur ses impressions !).

Nous arrivons à l’aube et prenons le bus pour Sapa, toute petite ville perdue dans les montagnes. Je ne saurais dire si c’est parce que nous avons quitté l’Amérique du Sud il y a 6 mois et que nous sommes repassés par des modes de vie (et de conduite !) occidentaux durant 4 mois, mais la manière d’aborder la route ici me parait 100 fois pire que tout ce que nous avons connu lors de notre périple.

Outre ses magnifiques paysages de rizières, Sapa attire de nombreux ethno-touristes pour la possibilité de rencontrer les habitants des minorités ethniques, dans les villages environnants. Le samedi, c’est le jour où les jeunes filles de ces communautés descendent en ville, pour y vendre leur artisanat. Une fois qu’elles ont ferré le touriste, elles le suivent comme son ombre. Tout est prétexte à engager la conversation et à ne plus lâcher. Je craque sur un petit sac fait à la main, mais au moment de payer, je me retrouve avec 10 demoiselles autour de moi, qui se fâchent et scandent « Si tu achètes à elle, tu dois acheter à moi aussi !». Un peu dur de leur faire comprendre que je ne peux malheureusement pas acheter quelque chose à tout le monde, je finis par m’éclipser.

Nous partons ensuite pour un trek de deux jours, avec deux couples de français rencontrés à l’agence qui nous organise la balade. Nous préférons, comme toujours, faire les choses par nous-même, mais à Sapa, à partir du moment où l’on passe une nuit dans un village, hébergé chez l’habitant, il faut être guidé et passer par une agence. Ce n’est pas très embêtant sur ce coup-là, car l’agence par laquelle nous passons ne travaille qu’avec des guides locaux issus des minorités ethniques. Sù, notre guide, une petite puce d’à peine 18 ans, appartient à la tribu des Hmongs Noirs. Si elle n’a jamais été plus loin que Sapa, elle connaît la vallée et les montagnes comme sa poche. Elle a appris l'anglais avec les touristes, sur le tas. Elle nous emmène à la découverte des rizières en terrasses et nous apprend que ce sont les chinois qui ont apporté cette technique de culture, la Chine étant toute proche. Malheureusement pour nous, les rizières ont déjà été récoltées et nous n’avons pas la chance de les voir vertes. Cela nous rappelle les terrasses andines. Certaines sont encore en eau et forment des milliers de petits miroirs qui reflètent le ciel et ses nuages. Sù nous parle des traditions de son village, qu’elle est bien heureuse de voir évoluer. A 18 ans, elle n’est pas encore mariée, contrairement à ses parents mariés à l’âge de 14 ans. De plus, elle a désormais la possibilité de choisir elle-même son époux. Ou du moins, d’en choisir un dans son village ou l’un des villages voisins, à partir du moment où il fait partie de la même communauté qu'elle. Un premier pas en avant…

Sur le chemin, nous croisons beaucoup d’enfants, tous très souriants et très curieux. Ils nous crient « HELLO ! » et éclatent de rire lorsqu’on leur répond. Après une journée de marche plutôt facile, nous arrivons dans le village de Ta Phin, habité par les Dao Rouges, reconnaissables à leurs belles coiffes écarlates. Nous sommes hébergés dans la famille de Matmaï, une adorable femme Dao. Sa maison est grande, comparée à celles que nous avons croisées sur notre chemin. Elle est même équipée d’une douche (froide) et de vraies toilettes, ce qui est rare ici. Après une douche (froide !), nous l’aidons à préparer le dîner. Elle nous apprend à rouler les nems dans les feuilles de riz. Pour le reste du menu, elle nous dit de la laisser faire. C’est un véritable festin : poulet au gingembre, porc à la citronnelle, tofu mariné, poisson et légumes à la vapeur… Nous insistons pour qu’elle, son mari et ses enfants mangent la même chose que nous, les voyant nous servir copieusement et ne manger que du riz. En dessert, nous avons droit au fromage national, qui n’est autre que, je vous le donne en mille : de la Vache Qui Rit !! Très apprécié des vietnamiens, ils lui connaissent surtout l’avantage de pouvoir se conserver sans être réfrigérée.

Le mari de Matmaï arrose le repas d’alcool de riz et nous ressert dès que notre verre est vide. Une fois le ventre plein, nous jouons tous ensemble aux cartes. Sù pimente la partie en obligeant les perdants à boire un petit verre d’alcool de riz, punition assez désagréable. Nous passons un excellent moment ici, car nous avons le sentiment que la scène n’est pas reconstituée pour nous, touristes. Hormis l’opulence du repas qu’ils n’ont sans doute pas la chance de connaître tous les soirs, nous partageons une vraie tranche de leur vie.

Nous dormons sur un matelas à peine plus confortable que la couchette hard bed, et nous reprenons notre route le lendemain, après un délicieux petit déjeuner de pancakes à la banane. Nous visitons deux fermes Hmong d’une grande pauvreté. Les femmes nous proposent leur artisanat, et il m’est bien difficile de résister. Vestige de la colonisation, leur communauté est entièrement catholique. Elles nous font visiter l’église locale, une petite maison de tôle avec un crucifix et quelques images pieuses.

Nous revenons à Sapa en milieu d’après-midi, avant de reprendre le bus pour Lao Cai, puis le train pour Hanoi. Cette fois-ci, nous sommes plus chanceux, nous voyageons en « soft bed ». Ceci dit, j’avoue que la différence avec le compartiment « hard bed » nous échappe un peu… Nous passons deux journées à Hanoi pour visiter les quelques temples et pagodes que nous n'avions pas vus lors de notre premier passage. Puis nous reprenons notre route vers le centre du pays.

A bientôt pour de nouvelles aventures !

Les photos de cet article se trouvent dans l’album "Vietnam", à la rubrique "Hanoi", "Hong Gai" (pour les photos de la Baie d’Halong) et "Lao Cai" (pour les photos de l’escapade dans les montagnes).


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3 réponses

  1. Superbe texte, magnifiques photos....
    Ton petit grain de folie nous manque....
    Bises et à bientôt dans notre chère Alsace (Marine, qui suit votre périple avec beaucoup d'enthousiasme me demande de te passer le bonjour !)
  2. Bougainvillée sur moto : j'avais jamais vu ! :-)) A bientôt P.
  3. Merci de me rappeler les bons souvenirs de la circulation magique du sud-est asiatique.
    Attention, en Inde, ce sera à vous d'eviter les voitures et autres rickshaw.
    Et d'éviter le lower bank dans les trains sleeper ;-)
    Profitez bien de ces autres mondes !

    Rambo

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