Epices et saveurs d'ailleurs

November 28th, 2013

Comme quoi, on peut s’habituer à tout ! Après 3 voyages en train sur une couchette en bois, on est capable d’arriver à destination sans avoir une nécessité impérieuse de filer chez l’ostéo. C’est donc tout guillerets que nous descendons à la gare d’Hué, la cité impériale du centre du pays. Nous y rejoignons nos deux amis tour-du-mondistes rencontrés au Chili, avec qui nous avions voyagé pendant près d’un mois. Nous connaissions nos routes respectives et savions que nous pourrions sans doute nous retrouver à un moment. Nous sommes ravis de les revoir. Nous avons tellement de choses à nous raconter sur nos tours du monde en parallèle et sur tout ce que nous avons fait depuis 6 mois que l’on en oublie presque d’admirer les temples que l’on visite le premier jour.

Nous louons des scooters pour découvrir les environs de Hué. Rien de mieux que la pratique pour comprendre que le klaxon a bel et bien son utilité et que, dans le brouhaha de bip-bip, l’usager que l’on avertit de notre passage se reconnaît à chaque fois. Les vietnamiens conduisent en se préoccupant uniquement de ce qui se passe devant eux. Du coup, on klaxonne en dépassant pour dire « Attention j’arrive, ne te déporte pas ». Et comme personne ne respecte les feux tricolores, on klaxonne aussi à une intersection pour dire « Attention, c’est moi qui passe et je n’ai pas l’intention de m’arrêter ». C’est un joyeux bazar mais tout s’emboite parfaitement et nous ne voyons aucune collision. Roro s’en tire plutôt bien avec la conduite locale. Moi je me cramponne à l’arrière, préférant à certains moments ne pas regarder la route.

Tout autour de la ville impériale, se trouvent les mausolées des empereurs qui se sont succédé à Hué. Plus que de simples tombes, il s’agit de petites résidences secondaires à la campagne, où les souverains se rendaient pour échapper au stress causé par leur dur métier de petit chef. De leur vivant, ils réfléchissaient à leur tombeau, que l’on retrouve sur chaque site. Certains sont modestes, et d’autres complètement mégalos, comme celui de Khai Dinh, qui avait décidé d’augmenter les impôts de 30% pour financer les travaux de sa grandiose sépulture.

L’autre belle surprise de Hué se situe dans l’assiette. Si la cuisine vietnamienne jouit d’une réputation mondiale, c’est dans le centre du pays qu’elle est la plus fine et la plus savoureuse. Nous mangeons très bien ici, tout en aiguisant notre technique du maniement des baguettes. La spécialité de Hué s’appelle le Banh Koaï, qui signifie littéralement "gâteau de plaisir extrême". Il se compose d’une crêpe moelleuse aux crevettes et au porc, à laquelle on ajoute de la salade et des herbes vietnamiennes, et que l’on trempe dans de la sauce à la cacahuète. On en redemande !!  Il est proposé partout, mais c’est dans les petites gargotes qui ne payent pas de mine que l’on mange les meilleurs.

Nous continuons notre route vers la petite ville de Hoi An, où nous retrouvons par hasard les deux couples de français avec qui nous avons randonné dans le Nord du Pays. Je laisse Rodolphe avec les garçons et je m’octroie une matinée entre filles, pour participer à un cours de cuisine vietnamienne. Nous commençons par une visite du marché et de ses étals. Si les fruits exotiques nous font saliver, il n’en va pas de même pour les stands de viande qui exposent leurs têtes de mouton ou autres tripes de porc… Notre guide nous explique cependant que chaque marchand ne dispose que d’une toute petite quantité de viande, car avec la chaleur et l’humidité ambiante, tout doit être vendu le jour même. Ouf ! De retour au restaurant pour le cours, nous avons droit à une promenade dans le jardin aromatique, à la découverte des herbes et plantes qui parfument et relèvent la gastronomie locale. Enfin, notre chef nous enseigne tous les secrets du roulage et de la cuisson des nems, de la préparation du Nuoc Mam et du mariage savant des épices. Nous réalisons notre propre Banh Koaï et nous nous exerçons même à la sculpture sur légumes, grande tradition ici. Mais sur ce dernier point, je me révèle mauvaise élève, pas assez patiente. Nous apprenons aussi à faire nos propres feuilles de riz, facile comme tout et mille fois meilleures que lorsqu’on les achète par paquet de 10 chez le chinois du coin. Nous dégustons ensuite le fruit de notre travail et devons reconnaître que nous sommes plutôt douées. Buffet vietnamien promis à notre retour !

Hoi An est une adorable petite ville. C’est la seule du pays à avoir osé interdire son cœur historique aux véhicules. Même les scooters et les bicyclettes n’ont pas le droit d’y rouler. Un vrai bonheur pour les piétons, et quel plaisir de ne pas entendre de klaxon ! Les magnifiques maisons traditionnelles sont aujourd’hui toutes occupées au rez de chaussée par des boutiques ou des ateliers d’artisanat, ouverts à la visite. On reste admiratifs devant les mains habiles des brodeuses ou des fabricants de lanternes. A la tombée du jour, la ville s’illumine de mille et une lumières colorées, invitant à flâner pendant des heures.

Pas de bol pour nous, nous n’aurons ici qu’une journée de beau temps, avant de connaître 48h de pluies torrentielles. Entre deux éclaircies, on se réfugie dans les temples et les maisons remarquables, aux influences chinoises et japonaises. Le temple principal de la ville est dédié à la déesse de la mer et de la fécondité. Nombreux sont les occidentaux qui y accrochent leurs prières, sur les spirales d’encens. La déesse nous communique quelques ruses pour que les premiers pas de la vie se déroulent sans encombre. Ainsi, nous apprenons qu’à la naissance d’un bébé, il ne faut surtout pas s’extasier devant la beauté du nouveau-né, mais au contraire, s’offusquer devant sa laideur. Tout ça pour tromper les mauvais génies, qui, si l’enfant est trop beau, lui jetteront quelques mauvais sorts… Avis aux copines enceintes ou jeunes mamans !

Fatigués de se faire tremper la tête après 48h de pluies non-stop, nous décidons d’aller chercher le soleil vers le Sud. Après l’expérience du train couchette, nous tentons le voyage en bus couchette. N’ayant pas pris de photo, et la chose étant plutôt difficile à décrire, je pique un cliché sur le site de la compagnie de bus, pour vous donner une idée de notre calvaire. Les couchettes doivent sans doute être élaborées par un technicien local, pour un format local. Les vietnamiens n’étant ni très grands, ni très gros, dès lors qu’on surpasse leurs standards, c’est la cata. J’arrive à peu près à me glisser dans mon lit, mais pour Roro et son mètre 85, c’est bien moins évident. Après 4h de trajet, le bus s’arrête en bord de route, dans un petit village. Autour de nous, des dizaines d’autres bus et de camions, arrêtés dans une voie de garage. Nous sortons voir ce qui se passe, mais personne ne parle anglais. Un homme nous fait de grands signes en baragouinant « Big big water, 1 hour stop ». Nous comprenons tant bien que mal que la route est bloquée par une inondation causée par les pluies, et que nous devons attendre que la voie soit dégagée pour passer. Une heure se passe, puis 2, puis 3… Puis nous perdons espoir de repartir le soir même. Nous essayons de dormir dans nos mini-couchettes, dans la chaleur moite du bus qui, moteur éteint, ne peut nous rafraichir de sa clim. Ajoutez à cela un chauffeur qui ne trouve pas le sommeil et qui écoute volume à fond les plus grands tubes de la pop vietnamienne, en fumant clope sur clope à l’intérieur du véhicule, et vous aurez un tableau réussi de la nuit que nous passons. Le lendemain, toujours pas de décrue et pas plus d’info sur la situation. La matinée se passe, puis l’après-midi, nous sommes toujours coincés. Par moment, quelques fausses alertes : les bus arrêtés se mettent à klaxonner dans tous les sens, rallument les moteurs et nous hurlent dessus pour que l’on se dépêche de monter. Tout cela pour avancer de 12 mètres et se retrouver bloqué à nouveau pendant une heure ou deux... En début de soirée, après un peu moins de 20h d’arrêt, nous reprenons enfin la route. Nous traversons la fameuse zone inondée, c’est en effet très impressionnant. Le bus roule dans l’eau, qui arrive au niveau des soutes. Les bagages sont retirés in extremis, mais seront quand même bien humides. Encore quelques heures de route chaotique, sur une chaussée primée au concours des nids de poule, avec un chauffeur qui joue au roi du klaxon, et nous arrivons dans la petite ville côtière de Nha Trang, après 35h de voyage, au lieu des 12h prévues.

Nha Trang n’a pas beaucoup de charme, il s’agit surtout d’une station balnéaire fort appréciée des russes, qui ont lancé une OPA sur l’immobilier local. Dans les restos, les hôtels et tout ce qui touche au tourisme, tout est traduit dans la langue de Tchekhov, avant même de l’être dans celle de Shakespeare. Hormis un beau temple témoin de la civilisation Cham, la ville a peu d’intérêt.

Une question existentielle se pose : nous disposons du billet pour continuer jusqu’à Saigon en bus couchette, mais notre expérience a mis le dos, la nuque et les genoux de Roro à rude épreuve. Aussi, au moment de réserver l’horaire du bus, il tape 3 fois, bien déterminé à ne plus remonter dans cette caisse à savon géante. Nous faisons cadeau de nos billets à un compagnon de route rencontré à Nha Trang, et en achetons des nouveaux, de train cette fois, pour gagner la perle du Sud vietnamien. Comme quoi, on peut s’habituer à tout, tant que cela ne déroge pas trop à nos petites habitudes !

A très vite pour découvrir la suite.

Les photos de cet article se trouvent dans l’album "Vietnam", sous les rubriques "Hue", "Hoi An" et "Nha Trang" où vous pourrez aussi apercevoir quelques clichés de notre galère de bus.


Photos (131)

3 réponses

  1. D'abord tu t'entraines poulette à la sculpture des légumes
    Et ensuites tu nous invites
    Non mais ;-)

    Jean & Norbert
  2. hello,

    quelle superbe aventure.j'ai l'impression de participer à vos voyages en te lisant,moi qui n'aime plus voyager,tes récits sont supers,j'attends la suite avec impatience et la pile de vos récits augmente,cela fera un sacré livre d'aventures.J'espère que vos corps seront moins malmenés pour la suite qu'au Vietnam,bon vent à vous deux.bisous
  3. Coucou ma chérie !!!
    J'ai pris bonne note de ton invitation à un super repas vietnamien :)
    Sacré périple le Vietnam !! J'avoue que c'est surement le seul pays que tu décris où je ne me vois pas y passer de vacances :)
    Mais c'est toujours un réel plaisir de lire ta plume et de découvrir les aventures de votre voyage !!!
    Pleins de gros bisous !!!!

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