Les trésors du lac Titicaca

June 27th, 2013

Nous arrivons à Copacabana en début de soirée. Si ce nom est évocateur et fait rêver (surtout grâce à la célèbre plage du même nom, à Rio de Janeiro, nommée en hommage à la vierge de Copacabana), la ville n’a pas grand-chose pour elle. On y trouve une succession de restaurants proposant des « menus turisticos » et des magasins de souvenirs soi-disant made in Bolivia… Les touristes sont partout. Même le mercado, lieu d’habitude plus fréquenté par les locaux, en est rempli. Le seul intérêt de la ville réside dans sa somptueuse cathédrale, devant laquelle se joue tous les samedis matins un curieux balai : tous les nouveaux véhicules de la région viennent se faire baptiser. La scène est vraiment incongrue, on trouve des minibus, des taxis, des 4x4, tous richement décorés, qui attendent sagement en file indienne leur petit coup d’eau bénite. Les chauffeurs et leurs amis arrosent de leur côté l’évènement au Pisco.

Nous délaissons rapidement Copacabana pour filer vers l’Isla del Sol. Une promenade de 3h de bateau sur les eaux calmes du Lac Titicaca nous emmène jusqu’à Challapampa, le village tout au Nord de l’île. Les touristes ne viennent en général pas jusqu'ici, dissuadés par une heure de bateau supplémentaire. Ce village est un véritable coin de paradis. Les habitants viennent accueillir les touristes au port quand les bateaux arrivent, et leur proposent des chambres d’hôtes pour une bouchée de pain. Nous traçons la route en refusant leurs propositions, car on nous a communiqué un bon plan, sur les hauteurs du village. Et quel bon plan ! D’adorables petites maisons en terre, sur un terrain dominant la baie avec une vue splendide sur le lac. On a même de l’électricité et accès à une cuisine de fortune pour faire la popote : un monticule de terre cuite, à l’intérieur duquel on fait brûler du bois et sur lequel on pose nos marmites. Les cochons d’inde de la maison viennent s’y réchauffer, grignotant nos pelures de légumes, en attendant de finir à la casserole. La propriétaire prend le petit déjeuner avec nous, nous renversons malencontreusement une tasse de maté de coca par terre. Elle rigole et nous dit « Ce n’est pas grave, c’est pour la Pachamama (la terre-mère), il faut lui faire des petits cadeaux de temps en temps ».

Pour la première fois depuis le début du voyage, la météo est franchement contre nous. Nous nous faisons réveiller par le bruit de la pluie sur le toit en tôle. Assez ironique, sur l’île du Soleil… On se prépare pour aller faire le tour de l’île sous la pluie, mais les gens du village nous assurent que le temps va changer et que la pluie va s’arrêter. Ils le voient à la couleur des montagnes. Et ils ont raison, 2h plus tard, le ciel se dégage. On se met en route, l’île est petite et le tour se fait en une journée. En revanche, la balade est payante : plusieurs péages ponctuent le parcours. Du sommet de l’île, on aperçoit à l’Est les aiguilles andines enneigées de la Bolivie, qui s’embrasent au coucher du soleil. A l’Ouest, on voit jusqu’au Pérou et au Nord, il n’y a plus que l’immensité du lac et de l’eau à perte de vue. Titicaca (prononcez Titirara) est un mélange d’Aymara et de Queschua, signifiant « Puma Gris ». En effet, si tant est qu’on ait un peu d’imagination, en regardant le lac à l’envers, on y devine une forme de puma. Comment les incas ont-ils réussi à percevoir cette forme, sans GPS ni vue satellite ? Personne n’a pu répondre à ma question…

Nous revenons sur la terre ferme après 2 jours sur l’île  et disons au revoir à la Bolivie, en même temps que nous prenons congé de nos deux compagnons de route stéphanois, avec qui nous aurons voyagé plus d’un mois. Nous prenons un bus pour le Pérou, où nous allons retrouver notre compagnon de route alsacien Guillaume, un ami qui vient passer 3 semaine avec nous. On se réjouit beaucoup : après 3 mois de voyage, cela fait du bien de retrouver un proche.

Le chauffeur du bus qui nous emmène à Puno, au Pérou, nous demande si nous avons déjà un hébergement. On se méfie toujours des rabatteurs, et on reste très évasif. Cependant, il nous propose un prix plus qu’attractif pour un hôtel dont la catégorie semble au-dessus de nos moyens. On tente le coup pour voir, en se demandant où se cache l’arnaque. Et en arrivant, bonne surprise, point d’arnaque, on est simplement en saison creuse et les prix sont divisés par 3. Le gérant me chuchote qu’il s’agit de prix très confidentiels et de ne pas l’ébruiter. Pas fou, faudrait quand même pas que tous les occupants viennent demander leur réduc’ ! On est bien contents d’avoir une chambre double rien que pour nous, avec une salle de bain rien que pour nous et de l’eau à peu près tiède. Et cela nous permet d’accueillir Guillaume dans des supers conditions, sans le parachuter de suite dans la joie des hôtels cracras ! Je vous passe l’émotion des retrouvailles à l’aéroport, on est tous les 3 très heureux de se voir. Nous avions prévu une éventuelle journée de repos, au cas où notre acolyte aurait du mal avec l’altitude (n’oublions pas que nous sommes à 3800m et qu’il arrive de France !), mais à part un peu de fatigue due au voyage, pas de problème, on peut enchaîner dès le lendemain.

Nous partons donc pour l’île de Taquile, sur le côté péruvien du lac Titicaca. Ça tombe bien, lors de mon précédent voyage au Pérou et de ma visite sur le lac, je n’avais pas eu l’occasion de la découvrir. Notre bateau s’arrête obligatoirement sur les îles Uros, connues sous le nom d’îles flottantes. C’est la partie que je n’aime pas trop : la visite ultra-touristique, où tout le monde s’assoit en rond pour écouter le guide, tandis que les habitants sortent leur stand d’artisanat. Ceci dit, l’explication de l’histoire de ces îles n’en est pas moins captivante.  Construites à la base pour échapper à l’invasion espagnole, les îles étaient véritablement à la dérive en permanence et on les retrouvait un peu partout sur le lac. Aujourd’hui, elles sont amarrées dans la baie de Puno, tout simplement car c’est à cet endroit que l’on trouve le plus de roseaux, indispensables à la construction des îles elles-mêmes, mais aussi des maisons et des bateaux. On compte plus de 70 îles, accueillant chacune 4 à 5 familles. Nous nous posons la question de l’apport en sang neuf et osons demander si les habitants du continent sont admis dans les communautés. Les insulaires sont tout à fait ouverts à cela, ils m’expliquent qu’un japonais est tombé amoureux de ces îles il y a quelques années et qu’il s’y est installé, y fondant une famille. Cela va d’ailleurs même dans les deux sens : si les jeunes souhaitent quitter les îles pour le continent, ils en sont libres. Après une courte balade sur une barque en roseau, nous reprenons notre route pour Taquile.

Durant la traversée, nous faisons connaissance de Calixto, un habitant de Taquile. Il possède quelques chambres d’hôte et nous propose de venir chez lui. Il est d’une extrême gentillesse et d’un sens de l’hospitalité hors du commun. En arrivant sur l’île, il nous emmène tout d’abord déjeuner chez sa fille ainée, qui possède un restaurant. Nous y mangeons une truite du lac, fondante à souhait, qui nous laissera un souvenir impérissable. Nous allons ensuite poser nos affaires chez lui, où nous faisons connaissance de sa femme et de deux autres de ses filles. Nous discutons beaucoup des nombreuses traditions de cette île. Nous sommes très curieux : tous les habitants que nous croisons portent des costumes traditionnels très colorés, seuls les chapeaux diffèrent. Il nous explique la signification de ces derniers. Quand il est à la maison, il porte un bonnet d’autorité. Cela montre que c’est lui le chef de famille. Roro insiste pour en ramener un en France et ainsi m’ordonner d’aller faire la vaisselle sans que je puisse contester. Heureusement, ce type de bonnet n’est pas à vendre sur l’île ! Dès qu’il sort de chez lui, Calixto enfile son bonnet d’homme marié. Les bonnets des célibataires sont différents et permettent de les identifier de suite. Pratique ! Idem pour les femmes : si leur jupe est colorée, foncez ! Alors que si la jupe est noire, demi-tour, c’est une femme mariée. On aimerait prendre tous ces gens en photos, tant ils sont beaux avec leurs costumes, mais on n’est pas au zoo. Et les habitants de Taquile comptent bien le faire entendre : qui dégaine un appareil photo doit payer son cliché. Alors on garde égoïstement toutes ces images pour nous. On se permet juste de demander à Calixto si on peut prendre une photo souvenir avec lui. Ravi, il va même nous chercher des habits traditionnels pour une belle photo de famille.

Calixto tricote un bonnet pour son fils. A 12 ans, il va pouvoir entrer bientôt dans l’adolescence et enfiler son bonnet de célibataire. Notre hôte attache énormément d’importance aux traditions et les enseigne à ses enfants, auxquels il ne s’adresse qu’en Quechua. Cela contraste beaucoup avec le jeune homme avec qui nous avions discuté à La Paz. Je lui en parle, il semble choqué et me dit qu’ici, les jeunes sont encore très proches des traditions. La seule différence avec avant, nous dit-il en souriant, c’est que maintenant, tout le monde possède un téléphone portable !

Il nous raconte encore que tous les ans, au début de l’hiver et au début de l’été, les anciens lisent dans les feuilles de coca pour savoir si les récoltes seront bonnes et si la Pachamama sera clémente. Je lui explique la tradition alsacienne de la Petite Année, qui consistait à lire dans les pelures d’oignons, durant les 12 jours qui séparent Noël de l’Epiphanie, pour connaitre la météo des 12 mois de l’année suivante. Enchanté par cette nouvelle méthode, il me promet d’essayer. Ce serait quand même drôle que cette tradition se propage jusqu’au Pérou grâce à nous !

On serait bien restés plus longtemps tant on se sent bien ici et tant Calixto et sa famille savent recevoir leurs hôtes, mais nous avons un programme chargé et il est temps de partir. Si nous avons pu prendre le temps d’aller moins vite en Bolivie, notre copain Guillaume n’est là que pour 3 semaines et nous avons envie de lui en mettre plein la vue ! Nous prenons congé, en échangeant nos coordonnées (contre toute attente, il nous donne un papier avec son adresse e-mail, alors que la moitié de l’île n’a pas l’électricité) et en espérant pouvoir revenir un jour. Quant à nous, après 3h de bateau pour retrouver le continent, on embarque pour une nuit de bus, direction la capitale des Incas : Cuzco.

A très bientôt pour la suite de nos aventures. Au programme : visite de la vallée sacrée des Incas, trekking et en guest-star, le mythique Machu Picchu.

Merci pour vos commentaires remplis d’affection, cela nous fait bien chaud au cœur.

Les photos de cet article se trouvent dans les albums "Bolivie" et "Pérou", respectivement sous « Copacabana » et « Puno ».


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Une réponse

  1. J'adore recevoir un mail de ta part :) un beau moment d'évasion à chaque fois ! Cela me change de la pluie d'Alsace... gggrrrrr!!! vivement que le soleil arrive !
    En tous les cas votre voyage est juste magique !!!!
    Profitez bien de votre ami :) et à bientôt pour la suite de vos aventure !
    Pleins de gros bisous ma chéri et à tes 2 hommes aussi :)

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