Quand lama fâché, lui toujours faire ainsi !

July 5th, 2013

Quel joie de revenir à Cuzco ! Cela avait déjà été en 2010 un vrai coup de cœur pour moi et je réitère en 2013 : c’est, avec Sucre en Bolivie, la plus jolie ville des 4 pays d’Amérique du Sud que nous ayons visité. Je retrouve avec plaisir quelques repères, ça fait du bien dans ce tourbillon de découvertes. Je suis heureuse de partager tout cela avec mon amoureux et notre ami, qui apprécient eux aussi beaucoup la ville.

Débarqués du bus à 4h du matin au terminal terrestre, nous nous mettons en quête d’un hébergement dans nos cordes. Pas évident dans la capitale des Incas ultra-touristique où les prix sont souvent non-négociables. Au deuxième essai, c’est banco. Nous tombons chez Betty, propriétaire d’une petite auberge à des prix défiant toute concurrence. Alors certes, notre chambre sans fenêtre fleure bon le renfermé et l’humidité, et nous ne sommes pas bien sûrs que les draps aient été changés, mais à ce tarif, et grâce à la bonne humeur et la flexibilité de Betty, on ne chipote même pas. D’autant que nous allons passer à Cuzco une petite dizaine de jours, entre la ville elle-même, la visite de la vallée sacrée des Incas et la virée au Machu Picchu. Cela nous fait faire de jolies économies.

Coup de bol dans notre planning, nous arrivons pile poil la semaine où la ville est en fête, célébrant l’Inti Raymi, une ancienne fête inca. Elle se tient chaque année le 24 Juin, et la semaine précédant l’événement est un festival de manifestations dans toute l’agglomération. La somptueuse Plaza de Arma est tous les jours le théâtre de défilés d’étudiants en costumes traditionnels, offrant des démonstrations de danses au public venu de tout le pays. Quelle chance nous avons d’être là !

Capitale de l’ancien empire Inca (Cuzco signifie « nombril » en Quechua), la ville est située au cœur de leur vallée sacrée, où l’on peut admirer de nombreux sites archéologiques. Nous commençons par le site de Pisac. S’il est plus petit que son grand frère le Machu Picchu, il n’en est pas moins grandiose. C’est une très bonne entrée en matière. Une belle ascension depuis le village jusqu’aux ruines nous met en jambe pour le programme des jours suivants. Arrivés en haut, bonne surprise : il n’y a que très peu de touristes, c’est jour de marché dans un autre village de la vallée et tout le monde est là-bas. Nous contemplons le centre cérémoniel superbement bien conservé, les quartiers d’habitation, les terrasses agricoles et les ingénieux systèmes d’irrigation encore en état aujourd’hui.

Nous continuons notre visite de la vallée à Chinchero, où se tient tous les dimanches un marché « très typique et très coloré », nous dit le routard. En vérité, les vendeurs exposent des stands d’artisanat tous similaires, et les gringos sont plus que nombreux. On n’y passe que peu de temps et on s’éclipse sur les terrasses du site archéologique attenant, pour un pique-nique improvisé. Retour ensuite à Cuzco, où nous visitons le site de Kenko et la forteresse de Sacsayhuaman, dominant la ville. Cette dernière est vraiment impressionnante pour la taille des pierres qui la composent. Les Incas ne connaissaient peut être pas la roue mais je pense très sincèrement qu’ils possédaient la scie sauteuse et le chariot élévateur ! Les blocs sont découpés et ajustés avec une précision déroutante, pour les moyens que nous leur connaissons. Nous avons fait le test, il est impossible de glisser une feuille de papier entre deux pierres ! De là-haut, la vue sur Cuzco est splendide. On est dimanche après-midi, les Cuzquéniens viennent nombreux en famille ou entre amis sur cette colline, profiter du panorama et de la nature. Nous redescendons à pied (nous étions montés en collectivo, flemmards que nous sommes) et nous couchons tôt, la journée du lendemain va être longue…

Réveil à 5h30. Aujourd’hui est un grand jour : nous nous mettons en route pour le mythique Machu Picchu. Coup de gueule, que je partage avec tous les routards se rendant sur le célèbre site : le prix et l’accessibilité de la citadelle Inca. Le seul moyen d’y aller à peu près rapidement, c’est un train, géré par la société péruvienne Pérurail. Comme ses cousins français de la SNCF, Pérurail détient ici le monopole et pratique sans la moindre gêne des prix plus que prohibitifs : un aller simple pour un trajet de 2h coute près de 90 dollars. Belle entorse dans notre budget, que nous menions bien jusqu’à présent. Sachant qu’il faut ajouter à cela le prix du Machu Picchu, qui revient à une cinquantaine d’euros quand on n’a pas le privilège d’être de nationalité péruvienne et de payer le tiers du prix. Ce constat étant fait, nous optons pour la solution dite du « routard fauché ». Celle-ci consiste à enchainer 6h de bus, 1h de taxi et 1h de collectivo pour arriver à Hidroeletrica, une station de train desservie par le fameux Pérurail. De là, nous attendent encore 2h de marche sur les rails, jusqu’au village d’Aguas Calientes, aux pieds du Machup’. Résultat : une journée fatigante perdue dans les transports, mais près 60€ d’économie par personne. Ça vaut plutôt le coup ! Tôt nous nous sommes couchés la veille, tôt nous nous couchons le soir même. Le réveil est encore plus précoce le lendemain matin. En effet, je veux que mes compagnons de voyage découvrent le site comme je l’ai découvert il y a 3 ans : vierge de tout touriste. Pour cela, pas d’autre choix que d’être devant les portes à l’ouverture, à 6h du matin. Sachant qu’il y a 1700 marches à monter, pour près de 500m de dénivelée, je vous laisse faire le calcul de l’horaire de départ… Indice : nous devons prendre nos lampes frontales pour effectuer cette ascension. Durant la montée de ces maudites centaines de marches, je me demande quand même ce qui cloche chez moi pour m’infliger un tel supplice une deuxième fois, alors qu’on peut faire le même trajet en bus (en se délestant de 16 tous petits dollars, coup de gueule bis). Mais une fois arrivée en haut, j’ai la réponse. Entre la fatigue physique et le manque de sommeil, je laisse éclater des larmes d’émotions, profondément empoignée par la chance que j’ai de me trouver, pour la deuxième fois de ma vie, devant ce site exceptionnel. Les garçons sont un peu moins expansifs, mais ils laissent tout de même échapper un « c’est fou, après avoir vu cette image des milliers de fois, de se trouver ici pour de vrai ». C’est grandiose, c’est magique… et c’est si paisible sans touriste !! Ils ne tardent pas à arriver en masse, mais le site est tellement immense que l’on peut toujours trouver un petit coin sans personne.

A 7h, nous avons rendez-vous aux pieds du Huayna Picchu. Pour ceux qui n’ont pas envie de chercher sur Google, le Huayna Picchu (la « montagne jeune » en Quechua dans le texte), c’est le gros promontoire rocheux que l’on voit en arrière-plan sur la photo classique du Machu Picchu que tout le monde a en tête. 400 personnes sont autorisées à y monter chaque jour. En 2010, il avait fallu faire la course pour faire partie des 400 premiers arrivés sur le site. Cette année, pas de stress, les places sont devenues payantes (coup de gueule ter). Payer pour avoir le droit de grimper encore 400m de plus et quelques autres bonnes centaines de marches, cela relève du masochisme. Et pourtant, nous nous lançons dans cette deuxième ascension, bien difficile après la première. De tout en haut, la vue sur le Machu Picchu (la « vieille montagne ») est magnifique et très différente de celle que l’on connait. Nous avons également une belle vue sur le chemin parcouru depuis notre réveil matinal, avec en contrebas le village d’Aguas Calientes et la voie ferrée. La descente est encore plus ardue que la montée. Les marches sont très étroites et très hautes, et l’escalier particulièrement raide. Les visiteurs sont nombreux à s’aider de leurs mains et l’allure est modérée. De retour sur le site principal, nous jouons à cache-cache dans les maisonnettes en pierre, dévalons les terrasses à la rencontre des lamas qui paissent paisiblement sans faire attention à tous les paparazzis qui les matraquent et prenons du temps pour fixer durablement dans nos esprits chaque recoin de cet endroit mystique. Bientôt midi, il est temps de redescendre car nous avons un impératif horaire : nous avons joué les touristes sans-le-sou à l’aller, au retour, on se fait le plaisir d’un trajet en train. Les 1700 marches en descente finissent de nous achever, nos jambes demandent un répit. Nous dormons tous les 3 durant les 2h de train qui nous ramènent à la maison, en rêvant de toutes les merveilles que nous avons déjà vues. Autant vous dire que le lendemain sera consacré au repos et à la glandouille à Cuzco !

Mais comme nous ne sommes jamais rassasiés, nous en profitons aussi pour organiser la suite : un trek de 4 jours à destination du Choquequirao, un autre site Inca de même ampleur que le Machu Picchu, mais moins connu et moins fréquenté. Le seul moyen de s’y rendre, c’est ce trek de 4 jours d’une difficulté certaine. Forcément, ça en dissuade plus d’un. Nous avions fait le trek du « W » dans le Sud du Chili, ce trek-là pourrait s’appeler le « V ». Imaginez la jolie lettre, dont les deux extrémités supérieures culmineraient à 3000m et l’extrémité inférieure à 1500m. Entre les deux, 60km à parcourir. Le jeu consiste partir d’en haut, descendre au point le plus bas, remonter de l’autre côté, et revenir au début par le même chemin. Nous sommes accompagnés pour cette aventure par Corentin, un marseillais lui aussi en tour du monde, rencontré dans les rues de Cuzco. Il cherchait des compagnons de route pour effectuer ce trek. A Cachora, village départ de la randonnée, nous nous offrons les indispensables services d’un arriero (muletier) et de sa mule. Nous retournons voir l’arrerio chez qui j’étais déjà allée en 2010, savoir si le sympathique muletier qui nous avait accompagnés officie toujours. Malheureusement pour nous, il a déménagé à Cuzco. Nous partons donc avec un autre homme, beaucoup moins agréable, bien plus ronchon et qui nous taxe des vivres à la moindre occasion. Pas grave, on ne peut pas gagner à tous les coups. La mule ne rechigne pas à porter notre équipage, c’est le plus important. Le premier jour nous est vraiment difficile, alors qu’il s’agit normalement de l’étape la plus simple. Il faut dire qu’on commence à en avoir plein les pattes avec tous ces efforts… De plus, nous sommes houspillés par ces soucis gastriques si chers aux touristes. Arrivés au camp de base, nous ne tardons pas à aller nous coucher, mais la nuit ne sera pas du tout reposante. Le lendemain, le verdict tombe. Les aventuriers que nous sommes décidons de nous éliminer et notre sentence est irrévocable : il faut rebrousser chemin. Je fais demi-tour avec Roro, tandis que Guillaume poursuit la route avec Corentin. Peu de déception pour moi, j’ai déjà eu la chance de voir le site. Quant à Roro, il est trop fatigué pour être déçu. Les 1500m d’ascension sont éreintants. Nous arrivons épuisés à Cachora où nous faisons une cure salvatrice de riz, de banane et de sommeil. Nos deux compères nous rejoignent dès le lendemain, après avoir réalisé la prouesse de plier le trek en 3 jours au lieu de 4. Respects, salutations-bien-bas et hommages. Nous rentrons avec Guillaume à Cuzco, tandis que Corentin continue son chemin vers le Nord. Nous sommes heureux de retrouver l’ambiance moite de notre chambre chez Betty, qui n’a d’ailleurs toujours pas changé les draps ! Nous passons les 2 jours suivants à nous reposer et à festoyer avec Romain et Antoine, nos ex-compagnons de route stéphanois sur qui nous avons le plaisir de tomber, par hasard, dans les rues de Cusco.

Nous laissons Guillaume choisir la suite du programme. Nous, cela fait 4 mois que nous en prenons plein la vue alors on lui laisse carte blanche pour ses vacances (en croisant les doigts pour qu’il ne choisisse pas de refaire un trek tout de suite…). Nous redescendons vers la côte, en disant un au-revoir ému à la cordillère des Andes, que nous longeons depuis 2 mois. Nous ferons étape à Ica et à Paracas. Chouette, je n’avais pas eu le temps d’y aller en 2010.

Cela fera l’objet d’un prochain article : la suite au prochain épisode !

A très bientôt.

PS : Toutes les photos de cet article se trouvent dans l’album du Pérou, sous « Cuzco ».

 


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4 réponses

  1. Coucou Jenny,

    Bien reçu les deux "coiffes rouges" péruviennes ou colombiennes ? ou peut-être bien chiliennes !
    Bref, tu m'as compris ... je n'ai pas changé.
    Mille merci, c'était bon d'avoir de tes nouvelles en "presque vrai".
    Je t'embrasse et ai le plaisir de te confirmer que nous travaillons sur le N° 4 de Pulsations Alsace (ie le Fabuleux Agenda un peu menteur que tu m'as laissé).
    Et retournes un peu dans la civilisation : y en mare des treks et autres randonnées !!!



  2. chère Jenny , je viens de découvrir ton blog via Fatiha: c'est GEANT!!
    je ne trouve pas les mots : bravo ! c'est extra ce que vous avez eu le courage d'entreprendre ....
    bon voyage , j'essaierai maintenant de vous suivre de plus près ....bis, bis , bis !
  3. Houla Houla, faudrait voir à vous ménager les p'tits loups.
    le tour est encore long et l'asie est aussi épuisante à cause de la chaleur.
    De toutes façons Yenny, la brigade mulo-crotte t'attendait de pieds fermes au Choque si tu vois ce que je veux dire.
    Du repos à la mer, c'est un ordre!
  4. Coucou ! De retour des Eurocks, j'ai dansé pour toi ^_^
    Bonne route encore à vous deux. Bises !!!

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